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Critique de cedratier


« le sentiment d'imposture » Belinda Cannone (Folio, 160 pages).
Bélinda Cannone étudie ici les mécanismes et les effets de la conviction chez une personne de ne pas être légitime à la place (professionnelle, amicale, familiale, amoureuse, sur un podium sportif, ou à une responsabilité politique …) qu'elle occupe, de ne pas en être digne, le sentiment d'avoir usurpé une position pour laquelle elle n'aurait pas l'impression d'avoir réellement les qualités requises… alors même que l'environnement du sujet lui en reconnait les compétences nécessaires.
Elle procède par petites touches successives, en de très courts chapitres, en s'appuyant sur des exemples dans les domaines de la littérature, du cinéma et de l'histoire, ou dans son environnement personnel, en s'aidant des outils de la psychanalyse et de la psychologie. L'artiste maudit (tel Van Gogh), jamais reconnu de son vivant, mais s'accrochant à son art envers et contre tout, offre une image inversée de cet « imposteur en italique », celui qui s'estime indigne d'une vraie reconnaissance qu'il a pourtant gagnée par ses mérites. Si le premier souffre du rejet, le second vit mal ses succès, il fait par exemple de manière récurrente des rêves d'échecs à des examens, et s'il arrive parfois en guérir, c'est au prix d'années d'efforts. Ça l'amène parfois à s'inventer des obstacles supplémentaires à franchir pour arriver à justifier de sa place. Bref, il est mal avec lui-même plus qu'avec les autres, et BC fait l'hypothèse que la source de cette insécurité intime est à chercher du côté du regard dévalorisé qu'on porte parfois sur ses origines et sa filiation ; si celles-ci sont trop modestes, le sujet ne se reconnait pas dans un monde qui ne lui semble pas être le sien, il se sent intrus ; s'il est né « avec une cuillère en argent dans la bouche », il pense parfois n'avoir aucun mérite à être parvenu à la place qu'il occupe. Pourtant, dans les deux cas, se maintenir à cette place supposée indue lui demande toujours des efforts redoublés.
J'ai vraiment trouvé pertinent son analyse… sauf lorsqu'elle élargit son champ de réflexion au politique, en cherchant à démontrer que l'échec de la gauche mitterrandienne (le livre est écrit en 2005) serait dû à ce sentiment d'imposture du « peuple de gauche ». Celui-ci ne se serait pas senti légitime à ce que ses représentants (ou supposés tels) se maintiennent au pouvoir, ayant en quelque sorte intériorisé la supériorité du camp d'en face, ce sentiment de dévalorisation finissant par démobiliser nombre d'électeurs. Belinda Cannone n'oublie-t-elle pas au passage un certain nombre de trahisons avérées des élus de gauche ?
J'ai beaucoup aimé la construction, et surtout l'écriture ; elle s'adresse à un « Tu » non nommé, qui pourrait être le lecteur interlocuteur, mais qui est plutôt ici ce « Tu » qu'on utilise pour parler de soi, dans une sorte de conversation complice avec un interlocuteur ami… ou devant son propre miroir. Cela donne une tonalité en apparence légère, pour un thème qui ne l'est guère.
Un essai plus que pertinent qui peut tous nous concerner.
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