Citations sur Une voix de femme dans la mêlée : Le manifeste d'une in.. (8)
Voici un fantassin dont la figure se crispe, un turco qui pour fez un turban de linges, un artilleur qui brandit un bras dont la main est partie.
Ce sont ces mêmes hommes qui passèrent aux jours de la mobilisation dans ces trains aux portières fleuries de branches, d’où montait une tempête de rires et de chants.
Ils reviennent voûtés et vieillis, graves, muets. Ils ont vu ce qu’était la guerre. Ils ne la chantent plus.
L’ouvrière, toujours debout, saisit l’obus, le porte sur l’appareil dont elle soulève la partie supérieure. L’engin en place, elle abaisse cette partie, vérifie les dimensions ( c’est le but de l’opération), relève la cloche, prend l’obus et le dépose à gauche. Chaque obus pèse sept kilos. En temps de production normale, 2 500 obus passent en 11 heures entre ses mains. Comme elle doit soulever deux fois chaque engin, elle soupèse en un jour 35 000 kg. Au bout de 3/4 d’heure, je me suis avouée vaincue.
J’ai vu ma compagne toute frêle, toute jeune, toute gentille dans son grand tablier noir, poursuivre sa besogne. Elle est à la cloche depuis un an. 900 000 obus sont passés entre ses doigts. Elle a donc soulevé un fardeau de 7 millions de kilos. Arrivée fraîche et forte à l’usine, elle a perdu ses belles couleurs et n’est plus qu’une mince fillette épuisée. Je la regarde avec stupeur et ces mots résonnent dans ma tête : 35 000 kg.
Beaucoup trop de gens s'imaginent que plus une oeuvre est compliquée, embrouillée, ardue, plus elle a de valeur. Moins on comprend, plus on admire.
Une femme se présente au commissariat de police d'un des quartiers les plus populeux de Paris. Elle porte un marmot sur son bras. Elle vient abandonner son enfant. Réfugiée, elle a juste de quoi ne pas mourir tout à fait de faim.
-Que voulez-vous que j'en fasse, dit-elle, je n'ai même pas de lait !
Si une rivalité se dessina entre la main d'oeuvre masculine et la main d'oeuvre féminine, c'est parce que cette dernière ne comprit pas assez la force de l'organisation et du nombre. C'est parce que les travailleuses ne surent pas se rallier autour de la seule revendication qui devait compter : à travail égal, salaire égal. C'est aussi parce que les hommes virent en elles des concurrentes au lieu de soeurs venues au labeur par nécessité et - avouons-le - qu'ils ne firent pas toujours ce qu'il eût été désirable qu'ils fissent pour les ranger à leur côté contre le seul ennemi : l'exploiteur. Les forces étaient éparpillées, il y eut du mal pour tous. Le progrès est lent, l'ignorance si grande et l'égoïsme si puissant...
Pendant que la bestialité s'est réveillée hurlante dans la chair de tant d'Européens qui se croyaient civilisés, nous, les femmes, instruisons-nous. Que toute cette horreur qui nous fait souffrir nous donne le dégoût de la brutalité. Cultivons notre esprit. Apprenons. Lisons. Aimons le livre. Il nous rendra meilleures.
Aimons le bon livre. Respectons-le. Dans ses minces feuillets, il y a parfois la pensée d'un génie, l'âme d'un peuple, la vie d'une époque.
Nous sommes des vivants et non des musées ambulants. Nous aimons la vie. Nous essayons de la comprendre, de la goûter sous ses milles aspects. Nous la regardons se jouer sur les choses, sur les âmes comme la lumière sur un prisme. Prenons les bons livres dans lesquels il y a de la vie, de la vie simple, naturelle, éternelle. Les bons livres écrits en français, sans bouffissure. Lisons aussi les bons livres des littératures étrangères. Ils nous apprendront à comprendre, à apprécier les hommes qui, bien que ne vivant pas sous notre latitude, dans notre cadre, sont des hommes tout comme nous.