Citations sur Le cantique de l'ours (9)
Dans notre monde surpeuplé et aménagé à outrance, l’absence de l’ours, incarnation d’une nature libre et sauvage deviendra insupportable à un nombre croissant d’individus.
Nous bondîmes hors du temps, ou plutôt dans le véritable temps, celui d'une vie rythmée par les cycles naturels.
Une forêt sans âge nous accueillit le soir suivant, nuit de pleine lune. Pendant la marche d’approche, au couchant, les chouettes de l’Oural, d’un délicat beige pâle et aux grands yeux noirs qui vous fixent, s’étaient enfin montrées, nous débusquions des chamois à 10 mètres, une hulotte lançait son chant sous des hêtres vénérables. Des loirs crièrent et s’approchèrent sans que nous en vissions un seul. Nous nous étions couchés sous une crête si bien que, dans notre dos, la lune éclairait la forêt d’où pouvait surgir une petite ou … une grande bête.
Finalement, chercher à vaincre ses peurs, pister l’ours sur son terrain – cela se prépare longuement – vous guérit à tout jamais de la vanité de se considérer comme le seul mammifère supérieur. N’est-ce pas une humble et magnifique manière d’être au monde !
L’explication vient, je crois, du fait que l’animal avait flairé la composition de ma sueur. » Et Andrej Joupantchitch, qui évoque les recherches modernes, d’ajouter que l’ourse avait su « lire » la composition amicale de sa sueur. « Naturellement, il ne s’agit pas chez elle d’un raisonnement logique, mais d’une capacité que l’homme a pratiquement perdue. » Flair hors du commun, mansuétude de la bête qui n’utilise sa force qu’en cas de nécessité, cette ourse laisse affleurer une autre facette de l’intelligence animale, laquelle nous invite à sentir plus qu’à raisonner.
Finissons dans les Pyrénées. " Même si j'ai versé comme tous les bergers un lourd tribut au seigneur de nos montagnes, je suis le premier à le regretter, car il en faisait intégralement partie, et sans lui, elle ne sera plus jamais tout à fait la même " écrivait Lamazou dans L'Ours et les Brebis. Rassurons-nous : plus de 40 ours peuplent désormais le massif. Mais, excepté l'Alt Pirineu en Catalogne, que de conflits ! Ne nous voilons pas la face, la réintroduction est un échec humain, que d'ailleurs personne ne veut assumer.
Quelques années après, je découvris Les Mammifères sauvages d''Europe de l'artiste et philosophe suisse Robert Hainard et lisais avec fière les récits de ses observations dans l'ancienne Yougoslavie, en Bulgarie et en Roumanie. Il écrivait : "Voir un ours est à la fois un luxe et une nécessité de l'existence normale. " Cette phrase ne me quitta plus.
Nous bondîmes hors du temps, ou plutôt dans le véritable temps, celui d'une vie rythmée par les cycles naturels.
J'arrivai enfin aux crêtes d'où je contemplai la forêt, immense, qui recouvre tout, à l'exception de villages coquets ceinturés de prairies et de vergers. Au soir, on peut compter les feux un par un autour des clochers des églises dont la teinte s'harmonise si justement avec la blancheur des gorges calcaires. J'étais seul, étreint d'une joie intense.