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Critique de Griffe


Griffe
21 décembre 2012
Ils sont sept locataires à vivre dans le manoir de l'Observatoire, dans les faubourgs d'une ville qui pourrait être Londres. Sept habitants bizarres et maniaques, qui se morfondent consciencieusement dans un ennui dûment structuré, et dont la règle première pourrait être : " La solitude n'a de prix que si elle est vécue au milieu des autres. " Dès les premières pages, l'éblouissant roman de Carey défile comme une sorte de chronique des jours moribonds : " Les années s'étaient succédé à notre insu. " le narrateur, Francis Dorme, est un garçon un peu laid, un peu bête, un peu méchant, qui vit dans l'appartement de ses parents : " Je n'étais pas un petit garçon. J'avais trente-sept ans. Ma lèvre inférieure était enflée. Je portais des gants blancs (...). J'étais le gardien d'un musée. Un musée d'objets précieux. Je portais des gants blancs pour ne salir aucun des neuf cent trente-six objets de ma collection (...). " Des objets souvent volés, gardés secrètement au fond d'une cave, des objets si mal assortis qu'ils en disent long sur l'état mental et moral de Francis : une cireuse industrielle, les minutes d'un procès, un monocle, une poignée de chasse d'eau, etc. L'univers de Carey est traversé par des êtres jamais vraiment fous, jamais vraiment malheureux, douloureusement humains : le père de Francis vit reclus en lui-même, cloué dans un fauteuil à l'abri de la lumière ; Miss Higg, éternellement collée devant le petit écran, croit réel l'univers de fiction des séries télévisées ; Peter Bugg, l'instituteur à la retraite, passe son temps à pleurer et à transpirer ; " la femme-chien " aboie mais il y a longtemps qu'elle n'a plus l'usage du langage. Et voilà les habitudes de ce petit monde perturbées par l'arrivée d'une nouvelle locataire venue occuper l'appartement 18. Anna Tap est jeune, myope, pas particulièrement jolie, et elle a la mauvaise idée de faire remonter à la surface les histoires personnelles de chacun, faisant entrer la petite communauté dans ce que le narrateur appelle " l'ère des souvenirs " : " Et ce fut elle qui nous libéra de nos histoires, jusqu'au moment où il y eut trop de voix, trop de fantômes d'objets pour qu'elle put en garder le contrôle. " Car cet accouchement d'une mémoire non désirée provoquera bien des drames. Autour d'une idée simple, Carey a réussi à créer un univers décalé et inquiétant, pourtant si tangible. On gage qu'avec son jubilatoire sens de la démesure, non éloigné de celui d'un Will Self, il s'affirme comme l'une des voix les plus originales de la nouvelle littérature anglaise.
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