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Critique de Eskalion


Je dois bien avouer une chose. Depuis des années que je lis de la littérature policière je me rends compte avec le temps que j'ai une faiblesse coupable pour les héros négatifs. de ceux qui n'hésitent pas à exhiber à la face du monde tout ce que l'âme humaine peut avoir de retord, de cupide, de cruel et de bestial.

Giorgio Pellegrini est de ceux là. Pour ceux qui ont eu le plaisir de lire " Arrivederci amore" il retrouveront sans doute avec bonheur, ce salopard immoral qu'ils avaient découvert, et qui n'avait pas manqué de leur montrer au fil de ses aventures d'alors, toute l'étendue de sa malfaisance.

Ici point de cavale, de trahison, d'attaque de fourgon. Dans ce nouvel opus notre homme s'est assagi, s'est acheté avec le temps , l'image d'un homme respectable.

Nous le retrouvons à la tête d'un luxueux restaurant, la Nena , qui est devenu incontournable pour les notables du coin tant les vins sont fins et les mets délicieux. Giorgio Pellegrini sait se rendre indispensable pour ces élites de Padanie.

D'autant plus indispensable, que derrière la façade respectable de son établissement, une autre activité non moins lucrative s'y développe à leur destination. Celle d'un réseau d'escort girls et de prostitution qu'il a monté avec son ami et associé, l'avocat et député Brianese.

Tout aurait pu ainsi perdurer pour le plus grand bénéfice des deux associés. L'un maintenant à flot son restaurant, l'autre ayant à sa disposition un lieu discret et un atout considérable pour négocier et conclure ses affaires et entourloupes politiques. Tous ce que compte la Padanie, notables industriels ou politiques se pressant au portillon de ce lieu fait pour eux.

Pourtant un soir, un petit grain de sable va enrayer la belle mécanique. Brianese annonce à Giorgio que les deux millions d'euros que celui ci lui avait confié pour les investir dans un projet à Dubaï sont partis en fumée . Qu'ils ont été grugés , piégés par le même mécanisme qu'avait en son temps manigancé Madoff pour plumer les plus argentés de ses clients.

Mais Giorgio ne l'entends pas de cette oreille, et fait pression sur son associé pour récupérer son investissement et les intérêts qui vont avec. La tension monte entre les deux hommes, et pour relâcher celle-ci, Brianèse fait rentrer la Ndrangheta dans la danse. Les mafieux ne tardent pas d'ailleurs à prendre les rennes du restaurant.

Si Brianèse excelle dans l'art des marchés publics truqués, des détournements de fonds et des combines douteuses, Giorgio Pellegrini traîne derrière lui un passé violent et un instinct de survie animal.

Et cet instinct va réveiller en lui de vieux réflexes. Car notre homme n'est pas du genre à se laisser marcher sur les pieds et compte bien défendre ses plates bandes.

Le lecteur ne manquera pas de s'horrifier des actes que Giorgio Pellegrini commettra tout au long du roman. Animal froid prêt à tout pour survivre, ne s'embarrassant ni de détails, ni de la moindre barrière morale, il exécute froidement son plan. Pour lui, ses congénères n'ont de valeur à ses yeux que s'il en tire un quelconque bénéfice ou le servent à dessein dans sa quête de satisfaction.

De fait, le lecteur ne s'étonnera pas de son rapport aux femmes.

Considérées au mieux comme des cruches, accessoires de vie dont il faut organiser le revolver planning dans les moindres détails pour les maintenir en forme, et suffisamment désirantes pour exciter sa libido, au pire, traitées comme du bétail que l'on revend rapidement et sans vergogne à d'autres proxénètes pour renouveler le stock.

Mais aussi abjecte que puisse être Giorgio Pellegrini, on n'en lâche pas le livre pour autant. Car au delà de ce personnage ignominieux qui vaut cependant le détour, c'est un portrait d'une certaine Italie que nous brosse un Massimo Carlotto désenchanté.

Celui d'une société en pleine déliquescence morale et politique, où l'avidité est érigée en valeur, la compromission et le chantage en régulateurs de la vie publique, et dont les dernières élections ne sont qu'un énième soubresaut de cette démocratie qui se rapproche toujours un peu plus de l'abîme.

Massimo Carlotto est un formidable témoin de son époque, qu'il dissèque avec cynisme et froideur, ne laissant pas la place à une once d'espoir dans cette Italie qui se putréfie de l'intérieur.

Admirable écrivain, formidable conteur d'une époque qui voit nos démocraties perdre leurs repères et institutionnaliser une violence économique et sociale d'où les plus faibles ne sortiront pas indemnes, pendant que volent au dessus d'elles, toujours plus nombreux, les rapaces de la finance, de l'intolérance et de la xénophobie qui attendent patiemment leur heure.

Un roman qui ne risque pas de vous ennuyer.
Lien : http://passion-polar.over-bl..
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