Les hommes attendent de toi du courage Anrique. Quand on affronte les chevaux sauvages, on s’aperçoit au final qu’il est impossible, dans la vie, d’être autre chose qu’un tyran…
" Des monstres sombres marchent sur la route et, sur la route, parmi ces monstres je marche."
Augusto dos Anjos
Je suis de l'avis de Cornélio Penna, l'auteur de " La Petite morte", qui répondit un jour à Ledo Ivo dans un entretien : " Tant qu'il y aura de l'âme ,il y aura de la littérature."
- Chaque jour, cet endroit s'enfonce un peu plus dans le désespoir et l'abandon. Il ne sert plus à rien de cirer les meubles ni de nettoyer les murs. Nous devons laisser les plantes rampantes en prendre possession, s'accrocher à nos jambes, étourdir notre sang et notre cœur. Nos cheveux deviendront des feuilles, nos mains et nos jambes des arbres. Nous devons laisser faire, Inès, laisser faire...Ne résiste pas, ne pleure pas. Le moment n'est pas encore venu pour nous de nourrir les asticots ni de fleurir au bord des routes, si l'une de nous se voit un jour accorder ce droit. Peut-être ne seront nous jamais que des fleurs fanées, sèches et vides...
Les gestes de Bernarda sont lents, circonspects. Elle se remet tristement à l'ouvrage - comme si elle voulait reconstituer le fil de sa vie entière, comme si elle cherchait des points de crochet capables de restaurer le passé, le glorieux passé de Puchinana.
Ariano Suassuno, membre de l’Académie brésilienne des Lettres, dit de lui : Raimundo Carrero a l’esprit âpre et magique des auteurs populaires du Nordeste. Il manie une prose qui semble taillée au canif, faisant surgir du bois, à chaque encoche, le rouge du sang. Un roman fort, beau et singulier, à l’univers étrange et poétique. Quel est le secret de Carrero ?
Inès fait quelques pas, hésite. Bernarda, silencieuse, pose ses mains tremblantes sur les plaies du saint. Inès s’approche encore, les yeux emplis d’angoisse, tâte à son tour la statue, refuse de croire qu’elle saigne vraiment. C'est peut-être le sang de Gabriela, imagine-t-elle. Bernarda en a sur les mains. Il vient peut-être de là ? Mais les plaies saignent à flots, le corps du saint ruisselle. Inès l’essuie de la main. Le sang continue de couler. Elle passe dessus une manche de sa robe mouillée. Rien n'y fait. En désespoir de cause, elle se sert du châle de Bernarda pour éponger la statue du saint. Les plaies saignent, en particulier celle que le saint guerrier, le soldat Sébastien porte à la poitrine, la flèche plantée dans son cœur. Elle frotte de plus belle, demande de l’aide à Bernarda, fond en larmes dans un sanglot plaintif, lamentable. Les événements de cette nuit de souffrances et de sang n'ont-ils donc pas suffi ? Elle entoure le saint de ses bras. Elle le caresse. Entre larmes et sanglots, elle commence à prier.
Chaque jour, cet endroit s'enfonce un peu plus dans le désespoir et l'abandon...
Nous devons laisser les plantes rampantes en prendre possession, s'accrocher à nos jambes, étourdir notre sang et notre cœur. Nos cheveux deviendront des feuilles, nos mains et nos jambes des arbres...Ne résiste pas, ne pleure pas.....