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EAN : 9782918799580
128 pages
Editions Anacaona (02/11/2015)
4.4/5   5 notes
Résumé :
Abel, Sara et Judas assouvissent leurs pulsions malsaines avec mauvaise conscience dans un univers mêlant références chrétiennes et païennes. Partagés entre désir et remords, ils donnent à réfléchir sur l'origine du mal.
Roman des passions primitives au Nordeste, un ascétisme biblique et l’ombre du Destin.
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Critiques, Analyses et Avis (3) Ajouter une critique
Je referme ce petit roman avec l'impression d'avoir été longtemps absente de chez moi. Je rentre d'un voyage formidable mais angoissant, totalement dépaysant mais lourd de secrets. Je prends une bonne respiration. Ouf, je suis maintenant en sécurité, loin de ce huis-clos du Nordeste, qui m'a à plusieurs reprises coupé le souffle.

C'est le premier roman de Raimundo Carrero que je lis et c'est une magnifique découverte. Son écriture est belle, poétique, rugueuse, directe, lumineuse, violente et exigeante. Elle ne laisse pas de répit et sollicite sans cesse nos sens et notre esprit.

Je ne connais pas le Brésil mais grâce aux mots de Carrero, j'ai pu appréhender les esprits de la forêt de ce coin de terre, sentir la chaleur étouffante d'un soleil au zénith et imaginer cette fazenda retirée du monde qui abrite des personnages étranges et fascinants : les deux frères Judas et Abel, bientôt rejoints par Dina.

Les personnages, leur caractère et les évènements qui leur arrivent trouvent tous leur origine dans la Bible. Rien de tel pour passionner la prof d'Ethique et Cultures religieuses que je suis ! C'est grisant de pouvoir faire des liens immédiats avec les histoires connues, même si l'auteur s'amuse parfois, avec les prénoms, à brouiller les pistes.
Ce roman peut être une vraie découverte théologique !

L'auteur a une magnifique capacité à varier le rythme et les ambiances. La mise en parallèle de la vie de Dina et de sa mère Sara est particulièrement réussie. Et on comprend ainsi aisément que dans ce coin de pays les chiens ne font pas des chats.

Je pourrais encore parler de l'emprise des traditions familiales sur les actions de chaque personnage, de l'amour-haine qui unit deux frères amoureux d'une même femme, de l'attachement intouchable des hommes du Nordeste à la terre de leurs ancêtres ou encore des secrets lourds des actes difficilement assumés... mais je vous laisse les découvrir sous la plume bien plus pertinente et belle de Raimundo Carrero.

Je termine en relevant encore les magnifiques illustrations de Fernando Vilela nous permettant de goûter plus en profondeur à la richesse de cette culture et de ce mouvement Armorial.

Merci à Babelio et aux Editions Anacaona pour cette magnifique découverte et ce beau voyage littéraire sous le soleil brésilien.
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Ombre sévère

Par le truchement de masse critique je reçois « Ombre sévère » de la part d'une jeune éditrice Paula Anacaona qui s'est lancée brillamment dans l'édition de romans brésiliens dont elle assure aussi certaines traductions. Tâche ardue et ambitieuse puisque avoir été romancier au Brésil au vingtième siècle n'était pas une sinécure : la dictature à visage découvert ou non censurait tout ce qui aurait pu porter ombre aux scélérats au pouvoir, et pire encore la censure était naturelle pour une population en grande partie analphabète.

Contrairement à l'Argentine ou au Chili qui envoyaient étudiants (et donc témoins) en Europe, le Brésil a toujours entretenu un sévère protectionnisme et donc un isolement endémique. Dans les années 70 fleurissaient sur les scènes des maisons de la culture françaises quelques épisodes théâtraux évoquant immanquablement la misère des paysans du « sertão », mais le filtre s'arrêtait là et si, très peu des grands écrivains brésiliens (issus naturellement d'une élite capable au minimum d'écrire et de faire des études) ont réussi le passage de l'océan et donc celui de la langue, ils n'ont pas vraiment délivré de message.

Agglutinée dans la conurbation Rio, São Paulo et Minas Gérais,20% de la population contemporaine brésilienne s'intéresse surtout à l'argent et aux sushis…. et trouver une librairie (avec des livres neufs et des traductions récentes) relève du défi à Rio, où les affidés de la dictature virés en 85 rôdent encore en plastronnant pendant que les étudiants en sciences sociales traduisent eux-mêmes Nietzsche qu'ils photocopient sur la machine de l'université. L'urbain génère une autre forme de misère et pendant que certains s'empiffrent les autres vivent dans des conditions épouvantables. Cette misère-là inspire de jeunes romanciers que les éditions Anacaona ont décidé de traduire et de publier.

Editer et traduire les auteurs brésiliens c'est donc surtout les faire connaître en dehors de leurs hermétiques frontières. Bravo Paula, donc, pour cet effort (et merci entre parenthèse de m'avoir appris à parler portugais lorsque vous démarriez votre aventure éditoriale).

A dessein donc j'ai demandé ce livre parmi d'autres à « Masse critique » et il est arrivé accompagné d'une autre (« Kero » de Plinio Marcos) pour faire pendant, avec un petit mot sympa. Merci donc à masse critique et à Anacaona.

"Ombre sévère" est un drame latin écrit par un Garcia Lorca brésilien qui chante le thème de l'amour, de la jalousie et de la mort. Deux frères aiment la même femme. Un frère trahit l'autre et le tue pour épouser la belle. Cela se passe évidemment dans le sertão au Nordeste du pays, terres de grande misère et de confusion morale induite par l'obscurantisme religieux.

Raimundo Carrero, l'auteur, ne pouvait être censuré en 1984 (à moins que…) dans la mesure où il dénude tellement cette terre et les hommes qui y vivent qu'on aurait du mal à trouver dans son texte prétexte à torture (mais en faut-il aux caciques amérindiens ?).Carrero ne dénonce pas, ne juge de rien.

« Ombre sévère » donne donc une image noble d'une civilisation méprisée, essentiellement constituée de paysans esclaves des grandes fazendas. Ces grandes exploitations perdurent et prospèrent tout en contribuant par d'énormes profits à l'isolement du pays qui loin d' « émerger » fabrique ses métastases urbaines qui en rongent les fondations.

Le livre est beau et les illustrations sont exceptionnelles. N'est-ce pas un paradoxe ?



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Un grand merci à masse critique et à cette maison d'édition très spéciale!!!! anacaona, que je ne connaissais pas.
Alors, d'abord l'objet-livre : super agréable, tout me plait : le grain du papier, le format, la police d'écriture, et la particularité osée des illustrations, qui ne laisse pas indifférent (c'est d'ailleurs la particularité récurrente de l'oeuvre). le seul truc qui m'a un peu génée, c'est le fait que la première ligne de chaque chapitre soit écrite en majuscules.
Ensuite, le roman en lui-même : eh bien je suis toujours incapable de savoir si ça m'a plu ou non!!!! Ca ne m'a pas laissée indifférente en tout cas, tout y est tellement étrange et éloigné de ce que j'ai l'habitude de lire... L'histoire est très noire, très sombre et écrit sans chichi, sans gant, avec une telle simplicité, un tel naturel que c'en est choquant, c'était sans doute le but recherché. le décor, les habitudes de vie de ce nordeste brésilien totalement inconnu de la lectrice auvergnate que je suis ajoute à cette sensation d'étrangeté (mais me laisse aussi un peu "sur le bord" de l'histoire). Et puis il y a toutes ces références, religieuses d'une part, et cartomancielles d'autre part, qui me laissent aussi "sur le bord" : j'ai trouvé par exemple les passages sur la cartomancie diablement trop longs et inintéressant (surtout qu'il faut en plus s'imaginer les cartes...c'est compliqué!!!)
Mais le huis clos entre ces 3, puis deux personnages et la tension qui monte, sans qu'on comprenne bien ce qui se passe dans leur tête, met mal à l'aise et en même temps (voyeurisme?) on ne peut pas s'empêcher de poursuivre.
Ce que je retiendrai de ce livre est sans doute ce sentiment-là, cette sensation d'étrangeté, de "jamais vu". Vraiment intéressant! Merci à "Paula" qui m'a adressée le livre, c'est une très belle découverte!
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Citations et extraits (9) Voir plus Ajouter une citation
Terrible expérience que celle de découvrir un regard - c'est comme plonger et descendre toujours plus bas, se sentir dépouillé par l'esprit des flots, car celui qui regarde est plus vu qu'il ne voit. C'est sombrer dans un abîme intérieur.
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Il venait de briser l'existence de Dina : elle ne pourrait plus se marier, elle ne pourrait plus retourner dans sa famille. Une femme ne reste parmi les siens qu'aussi longtemps que le sang de son hymen est préservé.
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Il lui avait fallu toutes ces années pour comprendre que l'amour est l'envie de l'autre. On aime pour voler à l'autre la part qui nous manque.
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Elle éprouvait une peine immense à le voir assis là, renfermé, pitoyable comme une vieille harde étendue sur une corde à linge, n'osant même plus affronter le vent.
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Il suffisait de le regarder, il suffisait de regarder Abel, pour sentir que sa rage avait quelque chose d'anormal, comme quelqu'un qui punit sans cesser d'aimer.
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