L’amour a transformé le garçon qui fête ses vingt-trois ans dans vingt-quatre heures. La première conséquence de l’entrée de Sissi dans sa vie est un acte de désobéissance à sa mère. Celle-ci ne l’oubliera pas. François-Joseph lui doit ce trône, il ne veut plus lui devoir son épouse.
En observant la statue de l’Impératrice, la comtesse Fürstenberg, ancienne dame d’honneur, raconte : « Ce qu’elle fut en réalité, la grâce si prenante qui émanait de sa personne, aucun ciseau, aucun pinceau ne saurait en donner une idée : son charme si personnel était inexprimable. Elle continuera de vivre non pas dans l’histoire mais dans la légende … . »
Avec une audace sans pareil, Sissi avait déclenché bien des révolutions mondaines et sociales à Vienne. C’était une femme scandalisée par la mesquinerie, par l’injustice et par l’égoïsme. Même s’il palpitait un peu en désordre, son cœur, qui avait tant souffert, était bon.
S’il est fréquent qu’une jeune fille de seize ans rêve d’un amour pur, s’enthousiasme pour des riens et se fâche pour tout, l’obstination de Sissi à célébrer la mort est inquiétante. On songe, évidemment, au caractère déséquilibré de la famille Wittelsbach qui traverse l’histoire européenne avec une réputation morbide et exaltée mais aussi un raffinement, un esthétisme remarquables et des dons, en particulier ceux des langues, une ironie glacée et une fantaisie séduisante.
Il faut encore rappeler que les nombreux mariages consanguins, les cousinages répétés n’ont guère apuré un sang riche véhiculant plusieurs hérédités.
L’empereur est le plus heureux des hommes. Il est avec sa fiancée, il est à la chasse. Deux joies confondues en un bonheur qui est l’amour de la nature.
En une semaine, ils ont appris beaucoup l’un sur l’autre.
À vingt-trois ans, François-Joseph a beaucoup d’atouts. Il a belle allure dans sa tenue de général.
Pendant une trentaine d’années, l’Autriche avait connu la stabilité. Paix et développement économique pour les uns, immobilisme et étouffement des nationalités pour les autres. L’émancipation était refusée aux Hongrois, aux peuples de Bohême et d’Italie car l’émancipation eût signifié la dislocation. Et l’Autriche préservait cet équilibre car il symbolisait sa revanche. Avec Metternich, la légitimité l’emportait sur les nationalités mais l’Autriche, de nouveau, existait.
Sissi est élevée dans l’ignorance des contraintes. Elle guette l’arrivée de son père et envahit son cabinet de travail où il tente, d’une plume appliquée, de réveiller une inspiration lasse. La poésie est le péché mignon des Wittelsbach.
Sa mère essaie de gommer les excentricités de son époux et s’efforce de remettre un peu d’ordre dans cette vie qui en est totalement dépourvue. Les poètes n’ont pas d’ordre, les mères de famille conservent le sens des réalités.