Les Lanceurs de feu

Les Troubles viennent tout juste de commencer. Çà aussi, c’est à peine vrai. Çà dépend des gens à qui on parle, comment ils se tiennent, et quel jour en particulier vous avez choisi pour cette conversation. Ceux qui ignorent tout de notre situation peuvent la vérifier sur Wikipédia, ils y trouveront une vue d’ensemble de trois mille mots. On peut lire des articles plus approfondis en ligne ou dans des revues savantes.Ou récolter une histoire alternative en bavardant avec les habitants du coin. Rassembler les pièces sera un processus laborieux, comme de reconstituer un seul puzzle avec les morceaux de deux, voire d’une vingtaine.

Les Troubles, c’est trop peu un mot pour tout cela. C’est un mot pour des inconvénients mineurs, comme un découvert à la banque, des crevaisons lentes, la période mensuelle d’une femme. Ce n’est pas un mot violent. Sûrement nous avons bien gagné un mot violent, quelque chose d’aussi cru et brutal qu' »Apartheid ». Au lieu de quoi nous avons un mot comme « ciseaux », qui s’emploie seulement au pluriel. Les Troubles est/était un seul truc monstrueux. Les Troubles est/était une quantité de maux individuels saisis ensemble. (Parmi d’autres mots similaires il y a « braies » et « cisailles ».) Les Troubles s’écrit toujours avec un T majuscule, comme si c’était un événement, comme la bataille de Hastings est un événement avec un début et une fin fixes, un point sur l’année calendaire. L’histoire ne manquera pas de prouver que c’est en réalité un verbe ; une action qui peut être infligée aux gens à maintes reprises, comme le vol.

En ce moment c'est l'été. Pas encore le plein été,
mais assez chaud pour que les gars du coin se promènent torse nu, dos, ventres, épaules qui se mettent déjà à rosir comme des tranches de jambon cuit. C'est un été de Coupe du monde. Les gens d'ici apprécient particulièrement le football parce que c’est un jeu à deux camps où on donne
des coups de pied.

Je ne me fiais pas à l'amitié, à moins qu'elle soit parfaite et mélodieuse et qu'elle chante, danse comme à la télévision , comme ça se passait dans les films.
Tu es le fils de ton père tout comme j'étais le fils de mon père et de lui-même très probablement . Dans la famille, on a tous la même tête intimidante....Tu es le fils de ton père, je le vois dans tes mains, j'ai peur pour toi et comment tu te détruis;

La vidéo montre un individu qui se dénomme le Lanceur de feu. Impossible de dire qui il est. C'est peut-être même une femme. Il porte un masque de Guy Fawkes, et un survêtement noir à capuche tirée en avant sur le front. Il ne parle pas, mais, vu le message, on imagine aisément un accent pointu de Belfast-Est, tout dans le nez et en haut de la gorge. Il présente des pancartes devant la caméra.
"Ne faites pas de mal aux civils."
"Ne vous faites pas voir."
"Lancez votre feu à dix mètres au dessus du sol."
"Je suis le lanceur de feu."
À l'arrière-plan, la musique qu'on entend, aussi bruyante qu'un marteau-piqueur, c'est le "Firestarter" du groupe The Prodigy. On imagine facilement des cornes de diable dissimulées sous le capuchon.

Nous éprouvons peu de respect pour ces gens et pour les photos qu'ils vont prendre. Ils se croient très courageux d'oser venir dans cette ville, ou au moins ouverts d'esprit. Nous souhaitons leur dire : "Vous êtes fous? Pourquoi êtes-vous venus ici ? Vous ne savez pas qu'il y a d'autres villes convenables à une heure d'ici sur des vols à bas prix ? Il y a même Dublin."

Ce soir, il n'y a nulle part où s'enfuir hors de portée des tambours. même les coins les plus élégants de Belfast retentissement de leur crépitement mortel.Ce soir, on est le 10, demain ce sera le 11, et après-demain le 12.Le 11 est réservé aux feux de joie, le 12 aux soûleries et à la commémoration des victoires protestantes.
La politique dans cette ville est un tour d'illusionniste, la douleur ici est allégée par la douleur là-bas, un interminable jeu de diversion rapide.
Le match est terminé; Ils ont gagné, ce qui signifie que de l'autre côté de la ville , ils ont perdu. Ici, il y a toujours 2 côtés à chaque chose;

Je me sens capable de bâtir des choses brutes: navires et maisons, voies de chemin de fer. Je pourrais probablement tuer un homme à mains nues.