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sur 91 notes
Dès les premières pages, ce roman irlandais est étrange : en exergue, un extrait de dictionnaire, l'entrée « sirène », puis une citation d'un auteur anglais du XIXème ( George Eliot pour Silas Marner ) évoquant la perte d'anges, remplacés par de petits enfants pour guider les hommes loin de la destruction d'une cité, et enfin la voix d'un père inquiet qui scrute son bébé fille à la recherche de caractéristiques physiques qu'elle aurait héritées de lui ou de sa mère, s'attardant sur sa bouche en disant que « c'est là que le monde commencera ou finira. » le texte conservera son étrangeté jusqu'à la dernière ligne.

La construction en trois arcs narratifs est extrêmement lisible : la voix du père, le docteur Jonathan Murray à la première personne ; la voix d'un autre père, Sammy Agnew, un ancien paramilitaire loyaliste ; des intermèdes présentant de courtes histoires d'enfants aux pouvoirs très spéciaux. le décor est lui aussi très lisible : 2014, seize ans après la guerre civile surnommée les Troubles, Belfast en flamme est en proie au chaos depuis qu'un Lanceur de feu exhorte la population à allumer de gigantesques brasiers urbains.

Cette lisibilité est cependant brouillée par le manque de connexion immédiatement évident entre tous ses éléments disparates. Brouillé aussi par le recours à un réalisme magique qui pourrait provenir d'un autre livre avec ces enfants particuliers qu'on verrait bien accompagner Miss Peregrine. Jan Carson peine à trouver un équilibre intellectuellement satisfaisant, et pourtant ça marche ! J'ai été totalement captivée par la puissance du récit.

Sammy et Jonathan, bien que très dissemblables du point de vue de la personnalité et de l'origine sociale, sont remarquablement caractérisés. Deux êtres profondément seuls, tourmentés, terrifiés par leur progéniture, chacun persuadé que leur enfant est porteur de malheur : Sammy voit en son fils Mark le Lanceur de feu à l'origine du tumulte pyromane qui s'abat sur Belfast ; Jonathan pense que son bébé Sophie est une sirène - comme sa mère qui s'est envolée à sa naissance – et sa voix une redoutable menace pour l'humanité, au point de songer à lui couper la langue.

Les thèmes de la paternité rejoint celui de la culpabilité et de la transmission de la violence avec une profondeur très impressionnante qui raconte l'Irlande du Nord d'aujourd'hui et Belfast, ville dans laquelle « la vérité est un cercle vu d'un côté et un carré vu de l'autre. On risque la cécité à force d'en regarder fixement la forme. » Ayant opposé républicains nationalistes catholiques et loyalistes unionistes protestants, la guerre civile a beau être terminé depuis les accords du Vendredi saint de 1998, elle est toujours présente dans les os, dans la chair, dans les esprits au point que la violence semble inextirpable, «  une chose qui se transmet, comme les maladies cardiaques ou le cancer » , une maladie que les parents ont transmis à la génération suivante. Sammy pense l'avoir transmise à son fils, lui qui durant les Troubles a commis des atrocités contre des catholiques sans prétexte idéologique, juste mu par la satisfaction d'une pulsion criminelle.

On est en pleine tragédie antique ou shakespearienne avec des pères en proie à des dilemmes existentiels. Dans cette quête des origines du Mal, comment stopper l'engrenage de la violence ? Faut-il protéger l'enfant ou la société ? le lecteur est perturbé par l'exposition des instincts des personnages prêts à commettre des actes d'autant plus terrifiants qu'on doute de leur santé mentale et de leur capacité à bien juger la menace que constituerait leur enfant. Mark, le fils de Sammy, n'est peut-être pas le Lanceur de feu ; Sophie, la fille de Jonathan, n'est peut-être pas une sirène ; les pères juste paranoïaques, rendus fous par la résurgence possible de la violence.

Porté par une plume brillante, la fois énergique et poétique, ce roman incarne avec beaucoup de force et d'originalité le bouillonnement souterrain d'une Irlande du Nord qui pourrait exploser à nouveau avec le Brexit et la question de ses frontières.
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Jan Carson recrée le Belfast des années 2014, dévoré par les flammes des Grands Feux, hanté par des silhouettes rendues fantasmagoriques par la lumière rougeoyante. Elle mêle des éléments du conte au réalisme, écrit la ville méconnaissable, s'attarde alternativement sur les inquiétudes et les pensées de deux pères craignant pour le devenir de leurs enfants, dangereux croient-ils – chacun à leur façon. Malgré tout, ces trois récits se disputent la scène sans qu'un lien vraiment tangible ne se matérialise ni qu'un véritable équilibre parvienne à se définir... (plus de détails : https://pamolico.wordpress.com/2021/10/05/les-lanceurs-de-feu-jan-carson/)
Lien : https://pamolico.wordpress.c..
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Il arrive parfois, et c'est sans doute la marque des meilleurs livres, que la lecture, loin d'être simple exercice et plaisir spirituel, s'empare de votre corps au fil des pages, l'engage pleinement dans son travail, devienne aussi, et tyranniquement, l'affaire des tripes. le roman de Jan Carson, premier texte d'elle traduit en français, accomplit cet exploit, n'offrant à qui le découvre que peu d'échappatoires à l'identification, l'invitant à partager le faisceau d'émotions, d'anxiété et de terreur, des deux protagonistes, jusqu'à, quelquefois, l'insoutenable… A Belfast, au cours de l'été 2014, la ville brûle. de Grands Feux sont allumés par des mains inconnues, bien avant les bûchers traditionnels du mois d'août, détruisant des lieux symboliques, faisant resurgir les pires souvenirs de la période des Troubles, la terrible guerre civile confessionnelle achevée, par un accord politique bien fragile, une vingtaine d'années auparavant. Tandis que la panique gagne la cité, que pompiers et policiers sont mobilisés pour calmer les flammes et trouver les coupables, deux hommes découvrent, dans leur condition de père de famille, le pire des cauchemars. Jonathan Murray, médecin dans un centre de santé et jeune père, depuis quelques semaines, d'une adorable petite Sophie, ne peut s'empêcher d'être hanté par le souvenir de la mère du bébé et de ses pouvoirs de manipulation, craignant que l'enfant n'hérite de ces facultés magiques, qui la transformeraient en véritable danger pour l'humanité. de son côté, Sammy Agnew, un ancien paramilitaire protestant, est convaincu d'avoir reconnu dans le « Lanceur de feu » s'exhibant sur une vidéo de propagande son propre fils, Mark, effrayé par l'idée d'avoir légué à celui-ci la part la plus sombre de sa personnalité. Bouleversés par le poids de leurs responsabilités parentales, rongés par la culpabilité, leurs coeurs déchirés entre leur amour paternel et leur souci d'autrui, ils s'emploient l'un et l'autre à tenter l'impossible, empêcher l'extension de la violence tout en protégeant leur enfant, une quête douloureuse qui les amènera finalement à se rencontrer… Au-delà de ce double drame, mêlant le fantastique à la réalité la plus crue, dans une tonalité qui évoque les meilleures tragédies shakespeariennes, au-delà de la puissance poignante d'un texte qui vous secoue, comme nous l'avons déjà dit au début de cette chronique, de la première à la dernière page, le roman, utilisant avec habileté l'alternance des points de vue et l'insertion fréquente de petites anecdotes mettant en scène d'autres enfants étranges, offre aussi le flamboyant portrait d'une ville, Belfast, minée par les haines anciennes et la lourdeur des silences… Et si, parfois, comme nous le montre Jan Carson avec un tel brio, l'écriture était le meilleur moyen de nous rappeler que parole et dialogue sont les plus efficaces des vecteurs de paix ?
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"Nous sommes à Belfast", au mois de juin 2014. L'été se met doucement en place, les habitants du quartier Est de la ville, encerclés par le bitume, espèrent bien pouvoir sortir leur barbecue, siroter quelques bières biens fraiches et bronzer sous le soleil, alors que la Coupe de Monde de football bat son plein.
Tout semble idyllique sauf que cette année, il semblerait que le spectre de la Guerre Civile (1968-1998) ait décidé de se mêler à la fête.
Sur Internet, une vidéo inquiétante tourne en boucle : on y voit une silhouette masquée, inquiétante, portant le masque de Guy Fawkes, exhortant la population à mettre la ville à feu et à sang. Cette mystérieuse personne se fait d'ailleurs appeler... le lanceur de feu.
Sauf qu'il ne s'agit pas des traditionnels feux allumés la nuit du 11 juillet pour accueillir la parade des Orangistes du 12. Non. Il est beaucoup trop tôt dans la saison, nous ne sommes qu'en juin. Et même si leur beauté est surprenante, ces feux dangereux qui sont déclenchés sans être annoncés ne présagent rien de bon. Ils témoignent d'un malaise profond de la population, qui trouve dans la pyromanie un acte fort de désobéissance civile. La machine se met en place : sirènes des pompiers, médias couvrant les évènements, politiques s'en mêlant et ajoutant leur petit commentaire bien senti, jusqu'à l'intervention de la police, qui il faut bien l'admettre, est dépassée par l'agilité des pyromanes.
Semaine après semaine, alors que la ville étouffe sous la fumée, la tension monte en flèche. Orchestré par le Lanceur de feu, le chaos enfle et menace de faire sombrer Belfast...

Au milieu de ce brasier à ciel ouvert, dans cette ville instable où tout semble être un paradoxe, évoluent Jonathan et Sammy. le premier est un médecin qui vit à Belfast mais ne l'habite pas : il ne sait rien de cet endroit - il a déjà tant à faire avec ses milliers d'angoisses et de peurs, de sa solitude et surtout, de sa fille Sophie, qu'il a découverte un matin abandonnée dans le lavabo de son appartement, après la fuite nocturne de sa mère, désormais introuvable... le second, Sammy, est un ancien paramilitaire loyaliste, marié et père de trois enfants dont l'aîné, Mark - il en est maintenant persuadé - est le Lanceur de feu de la vidéo.
Bon courage les gars!

L'ouverture de ce roman est grandiose. Elle se fait en trois étapes, fondamentale pour la suite du livre, mêlant l'étrange à la puissance narrative de l'auteure.
Pour commencer, un mot. Un mot qui est un univers : "sirène". Et deux entrées : la sirène, c'est à la fois ce long signal sonore utilisé comme moyen d'alerte et ces femmes mythologiques qui séduisent les marins de leur voix jusqu'à causer leur perte. Curieuse cette entrée en matière. Rapidement, on comprend que chacune de ces sirènes est une épée de Damoclès au dessus de la tête de nos personnages : Jonathan, en pleine nuit de service, est appelée par une mystérieuse inconnue "en train de mourir". Il a l'intuition que c'est un piège, mais ne peut refréner sa pulsion d'y aller. C'est trop tard, dès le premier regard il est ensorcelé, séduit par la voix de cette Sirène, qui lui donnera une fille avant de disparaître - une fille, ou une Sirène? Sammy, quant à lui, sait que les sirènes d'alerte qu'il entend nuit et jour, qui le harcèlent, sont la conséquence des actes de son fils. Ces sirènes le ramènent à la guerre civile, lorsqu'il se battait dans les rues de la ville. Elles le ramènent à son propre passé, sa propre violence, qui sommeille en lui et tente de refaire surface.
Ces deux pères, terriblement seuls, savent que leur progéniture va un jour ou l'autre causer d'infinies souffrances. Ils sont soumis à ce combat interne, cet aller-retour entre la protection égoïste de leur descendance - après tout, ils sont le père d'un.e enfant, leur moi biologique les poussent envers et contre tous à les protéger - et la défense du bien commun (thème d'une incroyable actualité!). Mais sont-ils les seuls responsables? Doit-on seulement aller chercher du côté de l'héritage génétique? Une piste forte, certainement, qui revient souvent : "elles sont leur mère et leur grand-mère avant elles" ou "une sorte de violence héritée de la génération précédente". Mais ne faut-il pas aussi aller voir les conséquences et la responsabilité de Belfast - qui est le véritable protagoniste de l'histoire. Belfast, par toute sa complexité et son histoire, sa paix fragile et son destin brumeux, n'est-elle pas directement responsable du comportement de ses habitants? Un enfant de Belfast peut-il se sortir de ses tentacules? "C'est la ville qui ne les laissera partir ni l'un ni l'autre". Ainsi ce roman est un gigantesque et superbe questionnement sur l'héritage familial et socio-culturel, dans cette ville à la fois étrangement attrayante et effrayante. Ses habitants aiment la fuir, mais invariablement, ils y reviendront, car ils ne peuvent vivre autre part. Il ne peut en être autrement.

Jonathan parviendra-t-il a "[s]'enseigner en [sa fille]" afin qu'elle ne devienne pas, comme sa mère, une Sirène? Il en a conscience, et le formule dans cette magnifique phrase : "Ta bouche, c'est là que le monde commencera ou finira." Saura-t-il trouver une alternative à cet horrible plan qui s'impose à lui dès les premiers mois de vie de la petite Sophie : inciser et couper cette langue au scalpel afin de la priver de la parole et sauver le monde ? Quant à Sammy, et sa femme : est-il encore possible de sauver leur fils Mark, qui paraît déjà bien loin idéologiquement. Ce gosse semble inatteignable, hors de portée, alors qu'il vit encore sous leur toît... Face à ces enjeux colossaux, ces deux personnages mémorables vont devoir lutter pour la préservation de leur descendance, dans une ville éblouissante où tout peut arriver, même le plus inimaginable, le plus inavouable...

Tout en nuances et avec un panache remarquable, ce grand roman marque, en cette 20ème année d'existence de la maison Sabine Wespieser, l'entrée d'une nouvelle auteure irlandaise dans ce catalogue qui en compte désormais de très grandes : Edna O'Brien, Claire KEegan, Nuala O'Faolain. Une entrée fracassante, singulière, énergique. Bienvenue à vous Jan Carson.
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Belfast, en plein mois de juillet 2014. Les Troubles nord-irlandais appartiennent au passé, mais l'inquiétude va renaître lorsqu'une mystérieuse vidéo virale enjoint les jeunes à allumer des incendies. Tout le monde s'interroge sur les motivations du Lanceur de feu, de plus en plus suivi, et qui va bien plus loin que les traditionnels brasiers du 12 juillet, tels que la ville en connaît toujours, et qui eux sont plutôt festifs.
Parmi les plus inquiets, deux pères de famille qui ne se connaissent pas. L'un, Jonathan, est un médecin qui élève seul une toute petite fille, un bébé abandonné par une mère fantasque. Jonathan craint par-dessus tout que la petite Sophie ait hérité des dons très particuliers de sa mère.
Quant à Sammy, d'un milieu plus populaire, père de trois grands enfants, il se fait du souci pour l'aîné, Mark, en qui il a toujours senti une violence, peut-être héréditaire. Mark serait-il le Lanceur de feu ?

Les deux pères ont en commun de penser que leurs enfants sont des dangers pour la société, et de ne pas vouloir baisser les bras face à ce pressentiment. Leurs deux récits se succèdent, avec des intermèdes en forme de fables sur le thème de la parentalité et des enfants à dons particuliers.
L'ensemble forme un puzzle insolite, parfait si vous cherchez un roman qui ne vous donne pas une impression de « déjà lu ». Ce roman nécessite de se laisser faire et d'accepter que le réalisme le plus strict se mêle à des considérations qui peuvent sembler folles.
Cela faisait un moment que je n'avais pas lu de roman irlandais, et celui-ci m'a tenté par son sujet très original et le cadre inhabituel de la ville de Belfast. Malgré les thèmes qui trouvent bien évidemment des résonances actuelles, été brûlant et violences urbaines, et bien qu'un peu déroutée par le côté presque fantastique, je n'ai pas été déçue. Je ne connais pas d'autre exemple de réalisme magique à l'irlandaise, il est peut-être le fait de cette seule autrice, mais ce n'est pas une raison pour le rater !
Lien : https://lettresexpres.wordpr..
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Jan CARSON. Les lanceurs de feu.

Ce roman se déroule à Belfast, ville martyre, profondément marquée par de violents conflits entre les deux communautés, les catholiques et les protestants. Au cours de l'été 2014, la canicule pèse sur le pays. Il existe une tradition, lors de la parade orangiste du 12 juillet, les émeutiers élèvent de gigantesques brasiers qui illuminent la ville et détruisent des quartiers, en toute illégalité. Ils ne respectent pas les consignes de sécurité, limitant la hauteur de ces feux et occasionnent des incendies criminels.

le docteur Jonathan Murray, la trentaine, élève seule sa petite fille, Sophie qu'il a eu avec une femme-sirène. Je demeure sceptique face à cette naissance et au devenir de cette enfant… Pour lui, tout passe par la parole et il envisage même d'opérer sa petite fille afin de ne pas divulguer la vérité. Mystère, ésotérisme, rêve, réalité, tout se mêle, s'emmêle, s'entremêle et les fils sont si ténus que je ne parviens à saisir le moindre brin pour démêler la trame.

Quel sera l'avenir de ces êtres plus ou moins abandonnées, oubliés sur le chemin. Afin de cerner un peu plus sa fille, des dons de guérison, Jonathan va jusqu'à consulter le Dr Kinari, qui soigne « les enfants infortunés », des enfants présentant des particularités physiques exceptionnelles, ayant également des pouvoirs surnaturels rares. Nous trouvons l'enfant volant, celui qui nage dans l'air…Je suis hébétée face à tous ces aveux.

Sammy Agnew, la quarantaine a vu son fils aîné sombrer dans la délinquance. Il l'a reconnu sur des vidéos circulant sur la toile et montrant le lanceur de feu. Il ne sait à qui confier ce mystère et cette reconnaissance : il va en consultation chez le Docteur Murray. Ces deux hommes ont chacun un énorme secret.

Je n'ai pas réussi à intégrer ce récit, basé cependant sur des faits historiques mêlant de la science-fiction. Peut-être suis-je passée à côté d'un roman important. J'ai mis plus de quinze jours pour le lire. C'est étrange comme atmosphère. Les personnages se croisent. le réel flirte avec l'invraisemblable, l'indicible. Ce genre littéraire n'est pas ma tasse de thé. Les qualités littéraires, écriture, description des lieux et des personnages sont bonnes mais la trame est complexe, entre ces faits historiques avérés et ces êtres fantastiques, magiques, légendaires ayant des pouvoirs surnaturels me désarçonnent. Mystère, ésotérisme, rêve, réalité, tout se mêle, s'emmêle, s'entremêle et les fils sont si ténus que je ne parviens à saisir le moindre brin pour démêler le canevas. Je ne peux me permettre, ni de conseiller cette lecture, ni de la déconseiller. Je suis neutre, et demeure mesurée dans ma notation. J'attribue la moyenne. ( 12/12/2021)

Lien : https://lucette.dutour@orang..
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Les lanceurs de feu est le premier roman de la nord-irlandaise Jan Carson. Je l'ai terminé il y a quelques semaines (merci à @tiphanieastre pour la lecture commune !), mais je ne sais absolument pas comment en parler. C'est fou comme cette lecture m'a, d'un bout à l'autre, remuée dans tous les sens.

Belfast, été 2014. Canicule. Des feux disséminés commencent à embraser la ville, quelques jours avant les traditionnelles marches orangistes du 12 juillet. Attisés par un personnage anonyme sur Youtube, ils deviennent de plus en plus hauts et violents, détruisant maisons individuelles, centres commerciaux et bâtiments publics. Ces Grands Feux, comme on se met à les nommer, avec la majuscule, font souffler un vent d'inquiétude, pas loin de se muer en panique : les braises des Troubles couvent encore dans bien des mémoires.

Sammy est un ancien paramilitaire au passé sombre. Il s'inquiète pour son fils, aurait-il hérité de son extrême violence ? Jonathan est médecin et élève seul Sophie, sa fille encore bébé, qu'il a eue dans de bien étranges circonstances (coucou, réalisme magique, ou conte réaliste – à l'irlandaise ?). Jonathan s'inquiète à l'idée que Sophie ressemble trop à sa mère… Des interludes récurrents nous racontent également d'autres enfants, étranges...

Autant de fils rouges, autant d'histoires que Jan Carson tricote avec une saisissante allégresse et un génie redoutable. Son écriture est en-voû-tante (j'ai mis des tirets pour vous faire saisir la mesure des nombreux superlatifs auxquels vous avez échappé). J'ai été conquise, mal à l'aise, inquiète, saisie d'effroi ou de jubilation, tour à tour, tout au long de cette lecture. Je n'ai jamais su où elle allait me mener et ce fut parfaitement déstabilisant – mais j'en ai redemandé, sans faiblir, jusqu'à la toute fin, jusqu'au dernier mot.

Je ne vais pas m'attarder ici sur ce que j'ai trouvé bancal dans la construction de ce (premier) roman, les fils rouges qui finalement ne s'entrecroisent qu'à peine, certaines pistes prometteuses qui retombent comme des soufflés... Non, car quelques semaines après avoir terminé ce roman, sa flamboyance est toujours là, intacte, qui irradie mes souvenirs.

Pour moi, l'histoire de Jonathan et de Sophie aurait suffi. D'ailleurs elle m'a suffi. Je l'ai sentie grandir en moi comme un soleil, entre ravissement et appréhension, ne sachant jamais si le truc allait m'exploser au nez ou m'inonder de lumière.

Au final, je ne peux pas dire si Les lanceurs de feu a été ou non un coup de coeur – il est à ce niveau-là également, inclassable. Mais cela faisait longtemps qu'un roman ne m'avait pas autant remuée, enthousiasmée et son contraire. Il y a une folie dans ces pages, un souffle qui emporte. Je n'ai sans doute pas tout saisi d'ailleurs, je soupçonne certaines allégories d'y être nichées, concernant les enfants et la responsabilité des pères, les guerres et les poids dont les enfants héritent sans avoir rien demandé et dont on les accuse d'exister.

Bref. En un mot comme en mille deux cent : Jan Carson est une autrice à découvrir, absolument.
Lien : https://lettresdirlandeetdai..
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Les événements en Irlande du Nord sont un prétexte : ce que nous offre Jan Carson, c'est un roman original et très puissant sur la paternité… et la peur de ses propres enfants. Si elle use de bizarreries et notamment de cette incroyable métaphore des enfants « aux pouvoirs spéciaux », c'est pour mieux nous ramener à la réalité émouvante et parfois brutale de la parentalité. de quoi verser une petite larme à la fin (ça fait du bien)…
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Très beau roman, évocateur pour tous les parents. Comment canaliser, gérer son amour aux différents âges de nos enfants. Jusqu'où doit on aller ? le faisons nous bien ou mal ? Sur un décor très gris, Belfast dans le roman, mais nos décors quotidiens sont ils plus ensoleillés ? Plus de questions posées que de réponses apportées.
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Ce roman nous transporte en 2014 à Belfast lors d'un été caniculaire. Chaque année en juillet se déroulent, dans toute l'Irlande du Nord « The Twelfth » (le douze) , les commémorations du douze juillet, souvenir de la bataille de la Boyne. Celles-ci donnent souvent lieu à des affrontements et à des feux qui sont d'habitude relativement vite circonscrits. Les Troubles sont loin mais encore bien présents dans les mémoires.

Le roman démarre en juin, en même temps que les feux, avec un peu d'avance et nous comprenons vite qu'ils ont cette année-là une dimension particulière.

Nous faisons la connaissance de deux hommes : Jonathan, médecin, père célibataire un peu paumé d'une petite Sophie et Sammy, marié, père de trois enfants. le roman les suit de façon alternée mais très vite (sur les conseils de ma libraire préférée, je n'avais pas lu la quatrième de couverture), on devine que ces deux-là vont être amenés à se rencontrer.
Les deux, pour des raisons différentes, sont des taiseux. Mais ils se reconnaissent comme pères impuissants à maîtriser le devenir de leur enfant. Jonathan craint que sa fille n'ait hérité des pouvoirs maléfiques de sa mère à manipuler les autres et ne fasse à son tour le mal autour d'elle. Samuel est lui convaincu d'être le père du Lanceur de feu, celui qui embrase Belfast.

C'est un livre sur la paternité, sur la responsabilité des pères, ce qu'ils transmettent à leur enfant, de façon consciente et surtout inconsciente. C'est un roman sur la culpabilité qui les transperce et les rend impuissants. Et en toile de fond, nous avons Belfast et ses vieux conflits (confessionnels et économiques), ses démons, incarnés par les croyances que l'on dissimule, les enfants infortunés (qui apparaissent comme par enchantement en filigrane).

L'écriture nous plonge dans une ambiance apocalyptique (les phénomènes météo se déchaînent) qui ne fait que mettre en lumière la rage et le désespoir de ces pères prêts à tout pour se faire pardonner leurs errements passés.

L'autrice nous prend dans les filets de cette écriture parfaitement maîtrisée. Il y avait longtemps que la lecture d'un livre ne m'avait autant touchée jusqu'à ressentir physiquement certaines des choses décrites. C'est poignant, puissant et à découvrir sans tarder !!
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