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Critique de fanfanouche24


[Choisi et acquis à la Librairie Caractères /
Issy-les-Moulineaux - Juin 2021 ]

Un très beau moment de lecture fait d'une traite , captée par la démarche et la plume très vivante d'Alice Casado

Un texte émouvant et fort , résultat de la concrétisation d'un amour fusionnel et passionnel d'une petite fille pour sa grand-mère… sauf que celle-ci n'est pas issue d'une lignée obscure !!... C'est aussi une réparation ultime pour une dame d'un certain âge qui au fil du temps est minée de l'intérieur de par son illégitimité ; que son père ne l'ait pas reconnue de son vivant… Toujours le drame parmi les nombreuses quêtes touchant la filiation…

Un livre que j'ai hésité à deux reprises à acquérir , appréhendant les règlements de compte de filiation et d'héritages, histoires versant trop fréquemment dans le sordide !... L'auteure a su éviter tous ces écueils et garder une distanciation bienveillante…

L'auteure rappelle le parcours exceptionnel du poète , du résistant qu'était son arrière-grand-père ; elle passera toute une année avec lui, en préparant une sorte de Master sur « La Mémoire de René Char à L'Isle-sur-Sorgue…" en enquêtant, faisant des recherches, rencontrant des personnes l'ayant côtoyé… Tout en offrant à sa grand-mère, la fille illégitime de René Char, une réparation essentielle dans la quête de ses origines …

« Lui, qui était convaincu qu'un poète n'a pas d'enfant, ne semblait pas concevoir à quel point un enfant pouvait avoir besoin d'un père, poète ou non. »

La fille « naturelle» de René Char raconte son « chemin » avec la découverte de ce père absent, si impressionnant, de célébrité et de talent ainsi que le parcours injuste, humiliant de sa mère, Malou, (enfant de l'Assistance publique) par la plume et l'énergie passionnée de sa petite fille, Alice, avec laquelle elle a une relation quasi fusionnelle…A l'aune de ces précisions, on comprend mieux qu'Alice Casado ait bataillé quinze ans durant, fait des recherches, accompagné sa grand-mère « vénérée » dans la reconstitution de cette filiation douloureuse , rédigé cet ouvrage avec passion et finesse pour toutes les parties!

Chapeau bas à cette petite-fille , qui a fait un travail minutieux de recherches , d'enquêtes, de recoupements , qui a su éviter tous les écueils de ce genre de publication, des plus délicates. Il n'y a aucun de déboulonnage de « l'Idole »…ni jeu de massacre d'aucune sorte. Exercice complexe d'objectivité lorsqu'on fait partie soi-même de cette Histoire familiale !...

» Mon but n'avait pas été d'écrire sur la lâcheté des uns, et la grandeur des autres, mais sur tout ce qu'un être peut contenir de failles, d'admirable, sur le courage qui nous dépasse (…) sur ce qui unit les hommes et les générations les unes aux autres, parfois dans la négation, parfois dans un amour qui brûle ou qui consume »

Réparer la souffrance de sa grand-mère de ne pas avoir été reconnue par son père, le poète René Char…L'arrière-grand-mère, Malou, enfant de l'Assistance , vécut le sort des enfants abandonnés entre institutions, foyer rural, où elle était une main-d'oeuvre bon marché… pour , à 17 ans, être placée dans une famille de la grande bourgeoisie, les Char, à proximité de l'Isle-sur-Sorgue…Alice Casado s'est documenté abondamment sur le sort des « malheureux de l'Assistance Publique », nous rappellent les vies maltraitées, démunies affectivement de ces enfants privés d'»enfance »…

Découvert à cette occasion ces terribles « maisons de relèvement », des maisons de correction, de redressement, aux traitements répressifs, disproportionnés !

Parallèlement à cette lecture, de belles images me sont revenues à l'esprit des paysages et des lieux des deux amis, René Char et Albert Camus [ Musée de l'Isle-sur-Sorgue ; Lourmarin ]…où j'ai été à plusieurs reprises mettre mes pas !

J'achève ce « billet » par un extrait fort significatif, décrivant la complexité , les contradictions et l'ampleur de la personnalité du poète, René Char...

« René Char impressionnait , déstabilisait. "Dans l'ensemble, cet homme est fait de dynamite", déclarait Nicolas de Staël. A son contact, ma grand-mère se sentait à la fois toute petite et importante. Paul Veyne, professeur au Collège de France, dressait son portrait en ces termes: "Un accent provençal à couper au couteau, une conversation raffinée, un vocabulaire choisi, beaucoup de politesse et un léger parfum d'eau de toilette qu'on percevait par bouffées. Ce colosse colérique et conquérant, aux yeux méditatifs et bons, parlait d'égal à égal, était éperdument généreux, violemment sympathique et à peu près invivable." (p. 18)


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