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Critique de JeanPierreV


Le vote récent d'indépendance de la Catalogne, m'a incité à en savoir plus, à tenter de comprendre cette revendication. Alors j'ai cherché, sur internet et dans les rayons de ma médiathèque, en utilisant les mots clés "Catalogne, Catalan, livre....". Je suis bien sûr tombé sur tous les guides touristiques, tous les dictionnaires...et bingo! sur ce titre intrigant et provocateur "Le dernier homme qui parlait catalan", traduit du catalan...un livre qui sort très rarement des rayons parait-il !
Une belle surprise littéraire !
Un auteur habitant un immeuble du centre de Barcelone, est le seul habitant de l'immeuble...un autre propriétaire, Soteras, a acheté progressivement tous les appartements afin de les rénover et de les revendre aux bobos locaux. Notre homme Ramón Balaguer résiste au harcèlement et aux propositions de plus alléchantes de ce spéculateur qui s'arrange pour faire couper le gaz, promet des coupures d'électricité, etc. pour arriver à ses fins. Ramón se rend compte qu'un squatter a pris possession d'un appartement vide...Squatter qu'il s'arrangera pour rencontrer, et qui écrit lui aussi un livre...c'est Miquel Rovira. .
Le hasard fait bien les choses..Ramón bien que Barcelonais écrit son roman en castillan comme il a écrit tous ses autres romans, Miquel quant à lui écrit en catalan et ne s'imagine pas écrire différemment ... Jeune homme débordant d'imagination, il gamberge sur la découverte par un chercheur du dernier homme qui parlait catalan...un vieux centenaire. Un scénario qui évolue au fil des pages...Passionnant pour un lecteur d'assister à la réflexion de l'auteur, à la genèse d'un livre, à l'évolution de la personnalité des personnages, jusqu'aux personnages définitifs
Provocateur dans l'âme, Miquel déstabilisera Ramón en lui disant que son dernier roman était écrit en castillan "empesé, orthopédique".
Le lecteur est alors témoin des passes d'armes et des dialogues savoureux entre ces deux hommes qui justifient leurs choix littéraires, le choix de leur langue d'écriture...Doit-on toujours écrire dans sa langue natale? Peut-on traduire des émotions, des sentiments dans une langue qui n'est pas sa langue natale...Conrad et Kafka l'ont bien fait, eux !
Tout les oppose, Ramón est casanier et rangé, il a besoin de son appartement et son calme pour écrire, Miquel est plus brouillon, écrit n'importe où....jusque chez Ramón.
Avec ce titre provocateur Carles Casajuana, diplomate espagnol de culture catalane pose de multiples questions à la fois culturelles et littéraires : de nombreuses langues ont disparu dans le monde...de moins en moins parlées dans la vie quotidienne, pour de multiples raisons économiques, politiques, etc., elles ne sont progressivement parlées qu'au sein des familles, dans la sphère privée...mais à la bonne ou au plombier, on parle en castillan..
Et ces langues disparaissent en quelques générations. Ce sont les questions que se posera Miquel pour définir les personnages de son livre: le catalan serait-il devenu la langue de l'Espagne si la République avait gagné face au franquisme...Le catalan ne se perd-il pas progressivement du fait du dynamisme économique de la Catalogne qui s'ouvre à la mondialisation...Autant de questions passionnantes et provocatrices.
Carles Casajuana saisit aussi l'occasion de ces conversations entre auteurs pour égratigner ces "mandarins" qui font le succès d'un livre, qui assurent sa promotion dans les diverses émissions littéraires...C'est peut-être pour ceci, que ce livre reste trop méconnu, bien qu'il ait pour thèmes la langue et la littérature.
En filigrane de ce livre écrit en 2009, on perçoit ce malaise, cette quête identitaire qui ont sans doute été déterminants dans le vote et dans la déclaration d'indépendance de la Catalogne de ces derniers mois. Malgré quelques redites.
On ne peut que s'interroger et s'émouvoir de ce nivellement des cultures, s'interroger et s'émouvoir en considérant cette langue anglaise, jamais nommée, langue indispensable aujourd'hui dans de nombreuses professions. Langue devenue indispensable.
A mes oreilles sont remontées les conversations en patois, de ma grand-mère sur les marchés de mon enfance...patois dont les usages ont disparu avec le décès de ces gens, nés au 19ème siècle, que les plus vieux d'entre nous ont connu..Patois qu'on ne m'a pas enseigné. Et dont l'Éducation Nationale avait interdit l'usage dans les écoles.
Ce patois, c'était l'occitan.
Grave question culturelle malheureusement universelle
Livre passionnant, malgré quelques redites qui ne manquera pas d'interroger le lecteur .
Bien triste !

Lien : https://mesbelleslectures.co..
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