Citations sur En attendant les robots : Enquête sur le travail du clic (10)
On pourrait dire qu'aujourd'hui "l'automation EST le travail humain".
Autrement dit, analyser une plateforme, c'est analyser le digital labor dont elle capte la valeur.
Chapitre 2. De quoi une plateforme numérique est-elle le nom ?, p. 89
La thèse de Casilli est forte : non seulement il n'y a pas et il n'y aura pas de grand remplacement (des humains par les robots), mais l'ensemble du processus de diffusion de l'intelligence artificielle, d'automatisation et de plateformisation est destiné, ruse ultime (mais classique) du capitalisme, à la fois à terrifier et à aiguillonner travailleurs et usagers de manière à moins payer le travail (et il est évidemment permis de penser que les prédictions effrayantes sur la disparition de l'emploi font partie de cette entreprise de déstabilisation...).
C'est alors une foule de "nains bossus" qui se cachent derrière les bots omniprésents, les algorithmes infaillibles, les réseaux "neuronaux" tout-puissants. Autant d'entités logicielles qui sont en fait comme des poupées manoeuvrées par le travail humain. L'imposture théorique qui consiste à se concentrer sur la robotisation, sur l'algorithmisation, sur la smartification de la société, entretient alors ce bluff technologique.
... rien n'empêche d'imaginer une ouverture plus radicale, telle qu'une collectivisation des données : celles-ci deviendraient une propriété sociale, directe, indivisible et inaliénable de leurs utilisateurs, sur le modèle de certaines philosophies des communs qui se développent aujourd'hui dans le Sud global pour gérer des ressources naturelles comme l'eau ou les minerais.
Toutes et tous les centaines de millions de travailleurs à la demande et de tâcherons du clic, les milliards d'usagers des plateformes de médias sociaux, nous avons ainsi devant nous une longue carrière de dresseurs d'IA.Très longue. Interminable même [...].
Pour évaluer la possibilité qu'au-delà d'une capacitation individuelle incertaine s'organise un projet politique concret, il faut appréhender la construction de la subjectivité des travailleurs du clic au niveau collectif.
Le fantasme de l'"IA forte" (intelligence artificielle qui dépasse celle des humains) cède progressivement le pas à la seule intelligence artificielle possible : limitée, somme toute inefficace en l'absence d'une intervention humaine.
Si le secteur de la robotique permet une approximation plausible du niveau d'automation de nos économies, les estimations du rapport entre salariés et robots et leur corrélation avec le taux de chômage ne sont que des indicateurs grossiers, qui ne tiennent pas compte de deux éléments importants ; d''abord, que la robotisation 'est pas une question de bras mécanique en usine ; ensuite, que le travail ne se laisse pas réduire à l'emploi.
Et l'on peut aujourd'hui affirmer que l'on voit partout l'automatisation détruire le travail, sauf dans les statistiques du travail.