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Critique de ODP31


Impossible de la faire taire ! Personne n'a trouvé la prise.
Laura, lapin Duracell de la parlotte, thésarde en ragots, éoliennes à paroles, raconte l'assassinat de sa meilleure amie, Olga Maria au début des années 90 à San Salvador.
Le meurtrier, un certain Robocop, que les lecteurs d'Horacio Castellanos Moya ont déjà rencontré et qu'il ne faut pas confondre avec la boîte à conserve de Paul Verhoeven des années 80, a été arrêté et refuse de dénoncer le commanditaire.
La commère échafaude et partage les théories les plus folles de cette exécution au fil de son quotidien. Comme la copine trépassée avait un peu le feu à la culotte, la liste des suspects défile et la narratrice ne se prive pas de suspecter et d'interroger amants et maris, y compris son propre ex-époux. Jalouse de la défunte, au fil des pages, la belle Olga Maria passe de l'icône à la dépravée, de la mère de famille dévouée à la voleuse de maris frivoles. A ce stade, dire autant de mal devient un art. Elle raconte cette histoire avec la mesure et la modération d'un commentateur de football sud-américain. Ses digressions finissent toujours en agression.
Personne ne trouve grâce aux yeux de la mégère et comme l'hypothèse du crime passionnel ne suffisait pas, ses accusations vont s'orienter vers un règlement de compte politique. Il faut dire que le Robocop faisait parti des escadrons de la mort et qu'un des amants de la donzelle avait des ambitions présidentielles.
Première incursion pour moi dans ce pays et dans la Comédie Inhumaine d'Horacio Castellanos Moya. A défaut d'être ébloui par les paysages et une guerre civile qui fit près de 100000 morts, j'ai été subjugué par l'inventivité et l'originalité du récit.
Faire porter la totalité de la narration de cette histoire par une telle vipère permet à l'auteur de déverser tout ce qu'il a sur le coeur concernant la société bourgeoise de l'époque, corrompue et complice de la dictature. le vernis de la respectabilité craquelle.
Les mesquineries et allusions de Laura sont jubilatoires. Son langage sans filtre relève de l'exorcisme pour l'écrivain et de l'hypnose pour le lecteur. Les phrases sont courtes, rythmées comme un monologue d'ivrogne au bistrot qui refait le monde en ayant oublié son nuancier. Oui, Laura, c'est un peu la mamie qui parle pendant des heures à la boulangère et qui se moque éperdument des quinze personnes qui font la queue à sa suite, c'est le sapin de Noël qui fait profiter tout le salon de coiffure de ses maladies et de ses dernières vacances, c'est le touriste qui croit toujours en savoir plus que le guide dans un voyage organisé.
Vous allez adorer la détester et comme la diablesse ne supporte pas qu'on l'interrompe, vous n'oserez pas corner la moindre page du livre. Il se lit d'un trait.
Je tiens aussi à saluer la beauté des couvertures des éditions Métaillié. Je suis bien parti pour les collectionner. Et comme les personnages de cet auteur se croisent dans plusieurs romans, je ne vais pas me priver de suivre le Balzac salvadorien.




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