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Critique de Bookycooky


…c'était un samedi, le 5 octobre 1974,
à Santiago de Chile, rue Santa Fe, Carmen Castillo et son compagnon Miguel Enriquez un des chefs du MIR ( Mouvement de la gauche révolutionnaire chilienne) , qui vivent dans la clandestinité suite à l'arrivée au pouvoir de la junte militaire et la mort d'Allende, sont encerclés par les forces armées. Miguel y perdra la vie, quand à Carmen enceinte, elle sera expulsée….
Dans le premier récit de ce livre, Carmen Castillo raconte le cheminement à ce jour fatidique dans une prose non linéaire poignante , se distanciant souvent en se mettant à la troisième personne du singulier. La chute des militants, comme un château de cartes, est terrible. « Il nous fallait la foi, la force de l'espoir,la foi dans la vie et l'extraordinaire conduite des révolutionnaires » dit-elle face à ce qui les attend et ce qu'ils vont subir, La Mort ou La Torture ( la parilla, le trompo….) dans une maison de torture spéciale , la maison José Domingo Canas, summum de l'inhumanité et de l'horreur, « Une maison de torture, cela ressemble à un hôpital. La douleur s'institutionnalise , ne surprend plus. » . À côté de cette violence inouïe elle arrive pourtant à y insérer douceur et amour , qui donne la dimension humaine d'une lutte désespérée « Dix mois de vie à la maison bleue de Santa Fe. Et tout ce que on peut attendre le long d'une vie , je l'ai vécu, là… ». Peu d'entre eux y survivront. Elle, La Catita, elle aussi sera assassinée « le samedi 5 octobre 1974, à côté de lui, dans cette cour de terre nue, près de la arteza…. ».

Pour qui déjà connaît un peu l'histoire du Chili et de sa période Allende-Pinochet, c'est un témoignage de première main qui s'y déroule. La prose dynamique et concise de Castillo tient en haleine , même si on connaît tous la fin de l'histoire. C'est un livre important à mon avis vu qu'aujourd'hui le Chili vient d'acquérir une nouvelle Constitution et un président élu démocratiquement qui donne beaucoup d'espérance, auquel Castillo rend hommage en ces termes , « c'est quelqu'un qui est vulnérable, qui reconnaît qu'il ne sait pas, qu'il faudra écouter, être près des gens. » . Espérons que le sacrifice des générations vaincues ne sera pas vaine et la mémoire des martyres du passé restera une source d'inspiration et d'énergie pour les générations à venir dans leur lutte pour la liberté qui semble avoir fait un bout de chemin.

Pourtant le second récit du livre, Lignes de fuite, où Castillo raconte son premier retour à Santiago en 1987, après son expulsion en 1974, est une grande déception . Un retour douloureux, que l'écriture chargée d'émotions et de poésie de Castillo nous prend à la gorge. Miguel, les autres disparus, la maison bleue de la rue Santa Fe, La maison de la torture José Domingo Canas …., tout est oublié ! Plus rien ne choque , n'étonne, et un politicien chrétien démocrate ose même le justifier avec ces paroles , « Il faut oublier, savoir qu'on ne rendra pas justice aux mères des disparus…le passage à la démocratie est à ce prix ». Terrible non ? Il devrait y avoir une limite au «  ça ne sert à rien » ! Pourtant Castillo elle-même n'en est plus sûr…..

Deux récits écrits à chaud, douloureux et bouleversants ! Des passages qui m'ont totalement éblouie , comme la description qu'elle fait de sa mère p.218-219, ou sa déclaration d'amour à son père dans les dernières pages. « Des livres qui m'ont été absolument nécessaire d'écrire à ce moment-là, raconte l'écrivaine . Il s'agissait de retisser les liens avec les morts, pour vivre tout simplement... Mais cette compagnie des morts n'est pas nostalgique ni mortifère, elle est une force . » Un jour d'octobre à Santiago est paru d'abord chez Stock en 1980, puis réédité en 1988 avec Lignes de fuite en 1987. Les deux textes viennent d'être réédités en un seul livre chez Verdier, maison d'édition chez qui je suis engluée depuis un certain temps 😁. Inutile de dire que j'ai envie de lire tout ce qu'ils publient !

« Les oeuvres ne changent pas le monde, elles l'éclairent autrement » Joseph Andras ( Préface)
« L'éthique ne se négocie pas » Fernando Castillo Velasco, père de Carmen Castillo
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