AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
EAN : 9782378561383
256 pages
Verdier (17/03/2022)
4.5/5   8 notes
Résumé :
Chili, octobre 1974. Les forces armées du gouvernement de Pinochet encerclent la maison d’un jeune couple. Ils se nomment Miguel Enríquez et Carmen Castillo ; tous deux vivent dans la clandestinité. Il est l’un des responsables de la résistance et le dirigeant du MIR (Mouvement de la gauche révolutionnaire) ; elle, professeure d’histoire, a travaillé auprès de Salvador Allende avant le coup d’État et s’implique, depuis, au sein des réseaux de lutte contre la dictatu... >Voir plus
Que lire après Un jour d'octobre à SantiagoVoir plus
Critiques, Analyses et Avis (4) Ajouter une critique
…c'était un samedi, le 5 octobre 1974,
à Santiago de Chile, rue Santa Fe, Carmen Castillo et son compagnon Miguel Enriquez un des chefs du MIR ( Mouvement de la gauche révolutionnaire chilienne) , qui vivent dans la clandestinité suite à l'arrivée au pouvoir de la junte militaire et la mort d'Allende, sont encerclés par les forces armées. Miguel y perdra la vie, quand à Carmen enceinte, elle sera expulsée….
Dans le premier récit de ce livre, Carmen Castillo raconte le cheminement à ce jour fatidique dans une prose non linéaire poignante , se distanciant souvent en se mettant à la troisième personne du singulier. La chute des militants, comme un château de cartes, est terrible. « Il nous fallait la foi, la force de l'espoir,la foi dans la vie et l'extraordinaire conduite des révolutionnaires » dit-elle face à ce qui les attend et ce qu'ils vont subir, La Mort ou La Torture ( la parilla, le trompo….) dans une maison de torture spéciale , la maison José Domingo Canas, summum de l'inhumanité et de l'horreur, « Une maison de torture, cela ressemble à un hôpital. La douleur s'institutionnalise , ne surprend plus. » . À côté de cette violence inouïe elle arrive pourtant à y insérer douceur et amour , qui donne la dimension humaine d'une lutte désespérée « Dix mois de vie à la maison bleue de Santa Fe. Et tout ce que on peut attendre le long d'une vie , je l'ai vécu, là… ». Peu d'entre eux y survivront. Elle, La Catita, elle aussi sera assassinée « le samedi 5 octobre 1974, à côté de lui, dans cette cour de terre nue, près de la arteza…. ».

Pour qui déjà connaît un peu l'histoire du Chili et de sa période Allende-Pinochet, c'est un témoignage de première main qui s'y déroule. La prose dynamique et concise de Castillo tient en haleine , même si on connaît tous la fin de l'histoire. C'est un livre important à mon avis vu qu'aujourd'hui le Chili vient d'acquérir une nouvelle Constitution et un président élu démocratiquement qui donne beaucoup d'espérance, auquel Castillo rend hommage en ces termes , « c'est quelqu'un qui est vulnérable, qui reconnaît qu'il ne sait pas, qu'il faudra écouter, être près des gens. » . Espérons que le sacrifice des générations vaincues ne sera pas vaine et la mémoire des martyres du passé restera une source d'inspiration et d'énergie pour les générations à venir dans leur lutte pour la liberté qui semble avoir fait un bout de chemin.

Pourtant le second récit du livre, Lignes de fuite, où Castillo raconte son premier retour à Santiago en 1987, après son expulsion en 1974, est une grande déception . Un retour douloureux, que l'écriture chargée d'émotions et de poésie de Castillo nous prend à la gorge. Miguel, les autres disparus, la maison bleue de la rue Santa Fe, La maison de la torture José Domingo Canas …., tout est oublié ! Plus rien ne choque , n'étonne, et un politicien chrétien démocrate ose même le justifier avec ces paroles , « Il faut oublier, savoir qu'on ne rendra pas justice aux mères des disparus…le passage à la démocratie est à ce prix ». Terrible non ? Il devrait y avoir une limite au «  ça ne sert à rien » ! Pourtant Castillo elle-même n'en est plus sûr…..

Deux récits écrits à chaud, douloureux et bouleversants ! Des passages qui m'ont totalement éblouie , comme la description qu'elle fait de sa mère p.218-219, ou sa déclaration d'amour à son père dans les dernières pages. « Des livres qui m'ont été absolument nécessaire d'écrire à ce moment-là, raconte l'écrivaine . Il s'agissait de retisser les liens avec les morts, pour vivre tout simplement... Mais cette compagnie des morts n'est pas nostalgique ni mortifère, elle est une force . » Un jour d'octobre à Santiago est paru d'abord chez Stock en 1980, puis réédité en 1988 avec Lignes de fuite en 1987. Les deux textes viennent d'être réédités en un seul livre chez Verdier, maison d'édition chez qui je suis engluée depuis un certain temps 😁. Inutile de dire que j'ai envie de lire tout ce qu'ils publient !

« Les oeuvres ne changent pas le monde, elles l'éclairent autrement » Joseph Andras ( Préface)
« L'éthique ne se négocie pas » Fernando Castillo Velasco, père de Carmen Castillo
Commenter  J’apprécie          10120
Ce livre recueille deux récits.
Le premier, écrit en 1980, "Un jour d'octobre à Santiago", donne son titre au livre, et raconte la capture de Miguel Enriquez, compagnon de l'autrice et leader du MIR, mouvement révolutionnaire qui poursuivit la lutte contre Pinochet après le coup d'État de 1973. Ce jour fatal d'octobre vit donc la chute de la direction du MIR, maillon après maillon, homme après homme, tel un jeu de dominos. S'ensuivit la captivité, la torture, la disparition à jamais, la mort. Cette chute nous est décrite avec une sensibilité haletante.
Et pour Carmen Castillo, se fut l'exil comme tant d'autres.
Le deuxième récit, intitulé "Ligne de fuite", fut écrit en 1988. Il relate le retour au Chili de l'auteure, treize ans après les faits. C'est un pays qu'elle ne reconnaît plus, où il lui arrive de croiser les vainqueurs, où elle se heurte à l'histoire qu'ils ont écrite comme tous les vainqueurs le font. Elle retrouve sa famille, ses amis et les survivants de la Résistance. Ce pays elle avait décidé de le revoir, mais pas de s'y établir, adoptant donc son pays d'exil, la France, comme deuxième patrie.
Sur le plan du style, je regrette l'usage excessif de phrases sans verbe dans le premier récit. C'est lassant. Dommage ! de ce point de vue, le deuxième récit est bien plus satisfaisant.
Commenter  J’apprécie          151
Magnifique témoignage de cette exilée politique chilienne journaliste. Quelle force d'écriture et de vie. À compléter par le film rue santa fé que vous trouverez sur YouTube. Si vous êtes intéressé par cette période de terreur tout est dans ce livre.
Commenter  J’apprécie          140
Le 5 octobre 1974, la junte est installée au pouvoir depuis plus d'un an, elle poursuit l'éradication de ceux qui ont soutenu l'Unité populaire portée par Salvador Allende. Nombreux sont les militants qui espèrent encore pouvoir lutter contre les militaires et qui sont contraints à la clandestinité. Carmen Castillo raconte ici comment les forces armées de Pinochet donnent l'assaut à la maison bleue où elle vit avec son compagnon Miguel Enriquez, pour reconstituer le MIR, malgré la terreur. J'avais une vingtaine d'année en 1973 lorsque La Moneda fut bombardée et Allende contraint au suicide, c'est avec une émotion particulière que j'ai donc lu ce livre. L'auteur nous y fait partager ce que fut la prise du pouvoir par la junte et la mise en place de la répression, elle explique les déchirements de l'exil et ceux plus forts encore que son retour au Chili treize ans après, vont générer. Un livre fort sur les rouages et les mécanismes de l'oppression mais aussi sur la force de la résistance.
Commenter  J’apprécie          80

Citations et extraits (5) Ajouter une citation
C’est dans son écriture en désordre que je vis enfin Luisa *. Elle nous fit écouter les bruits du silence, c’est elle qui nous montra la première qu’on peut être autre que ce que l’on parait, elle qui nous a révélés qu’on peut être faible malgré nos masques . C’est elle qui nous a apprit l’importance de l’amour et de la transparence dans la clandestinité. Luisa nous disait: Servez-vous du courage aussi pour affronter la vie quotidienne ,ne laissez rien glisser entre vous, entre nous . La pourriture surgit sans qu’on s’en aperçoive. Ce soir j’ai rencontré Luisa, je l’ai aimée.

*Une militante des MIR au Chili capturée et torturée par la junte militaire.
Commenter  J’apprécie          410
On n’appartient pas à l’ensemble tant qu’on n’existe pas dans la solitude.
Commenter  J’apprécie          402
Le cimetière à Viña del Mar. Les quatre proches familiers et des marins en grand nombre. Laurica cueille une petite fleur jaune, une primevère, dans l'herbe qui entoure la sépulture. Elle la met sur le cercueil. La fleur tombe au fond de la fosse. Les soldats ricanent. Laurita s'exclame : Vous devriez avoir honte !... honte d'enterrer ainsi le président du Chili !... Et après un silence, lentement : Ce n'est pas cela l'important... quoi que vous fassiez, le peuple chilien ne l'oublie ni ne l'oubliera.
Elle n'a pas fini ces mots que le fossoyeur saute dans la fosse, ramasse la fleur jaune et la remet sur le cercueil. Personne ne bouge.
Commenter  J’apprécie          10
Amelia n'a jamais entendu El Chino se plaindre, il a souffert comme personne là-dedans, il a résisté comme peu d'entre nous, en silence, digne, en pensant à nous avant toute autre chose. A Paris, Amelia contient une larme rebelle. On se tait une longue minute...
Il m'a dit un jour, poursuit-elle : Amelia, on va me bousiller, "me van a sacar la cresta"... regarde, je suis à bout.
Il le savait au fond, il le savait qu'il allait mourir... alors il se révoltait, il leur criait... pour leur montrer que, même là, ils ne l'avaient pas, ils ne l'auraient pas.
Commenter  J’apprécie          10
Car ce n'est pas moi qui ai voulu refaire ce trajet en sens inverse. Seules des pierres tombales en marbre poli, parfois sans nom, m'attendent à l'arrivée. On n'échappe pas à la mort impunément. De tous mes visages, celui que je déteste le plus : la survivante.
Commenter  J’apprécie          20

Videos de Carmen Castillo (5) Voir plusAjouter une vidéo
Vidéo de Carmen Castillo
Chili, octobre 1974. Les forces armées du gouvernement Pinochet encerclent la maison d'un jeune couple de militants vivant dans la clandestinité, Miguel Enriquez et Carmen Castillo. L'affrontement tourne au drame. Treize ans plus tard, exilée en France, Carmen Castillo est autorisée à retourner dans son pays, qu'elle ne reconnaît plus… Égypte, janvier 2011. La révolution éclate au Caire, portée par une jeunesse en quête de liberté. Dix ans plus tard, une dictature en a chassé une autre et les chars des militaires ont eu raison des espoirs de tout un peuple. Deux femmes que tout semble opposer, l'une égyptienne et l'autre fille de parents égyptiens immigrés en France, sont réunies dans le premier roman de Marion Guénard. Deux écrivaines engagées, deux générations de femmes – Carmen Castillo, née en 1945, par ailleurs cinéaste ; Marion Guénard, jeune journaliste, a couvert la révolution égyptienne – font le récit de deux révolutions confisquées dans des romans qui conjuguent intimité et politique.
__ Une rencontre avec  Carmen Castillo (https://ohlesbeauxjours.fr/programme/les-invites/carmen-castillo/) et Marion Guénard (https://ohlesbeauxjours.fr/programme/les-invites/marion-guenard/), animé par Élodie Karaki (https://ohlesbeauxjours.fr/programme/les-invites/elodie-karaki/) et enregistré en public au Mucem à Marseille, lors de la 6e édition du festival Oh les beaux jours !.
__ À lire   Carmen Castillo, Un jour d'octobre à Santiago, Verdier, 2022. Marion Guénard, Au printemps on coupe les ailes des oiseaux, L'Aube, 2022. __ Montage : Clément Lemariey Voix : Nicolas Lafitte Musique : The Unreal Story of Lou Reed by Fred Nevché & French 79 Un podcast produit par Des livres comme des idées (http://deslivrescommedesidees.com/).
__ La 7e édition du festival Oh les beaux jours ! (https://ohlesbeauxjours.fr/) aura lieu à Marseille du 24 au 29 mai 2023.
+ Lire la suite
autres livres classés : chiliVoir plus
Les plus populaires : Littérature française Voir plus


Lecteurs (32) Voir plus



Quiz Voir plus

Les écrivains et le suicide

En 1941, cette immense écrivaine, pensant devenir folle, va se jeter dans une rivière les poches pleine de pierres. Avant de mourir, elle écrit à son mari une lettre où elle dit prendre la meilleure décision qui soit.

Virginia Woolf
Marguerite Duras
Sylvia Plath
Victoria Ocampo

8 questions
1710 lecteurs ont répondu
Thèmes : suicide , biographie , littératureCréer un quiz sur ce livre

{* *}