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Critique de Capridegh


Quel énorme coup de coeur ! Je ne doute pas que les mots vont me manquer pour vous dire à quel point j'ai aimé Romance, à quel point ce roman est bon, réussi, hors du commun... Mais je vais faire de mon mieux ! Arnaud Cathrine nous parle de Vince, diminutif de Vincente, qui n'a d'italien que le patronyme et les ancêtres de sa mère. Vince est un ado. Vince a 16 ans. Vince aimerait bien tomber amoureux. Vince est gay. Vince pense pas mal au sexe. Vince est fan d'un acteur porno. Vince est parfois maladroit, peu sûr de lui, rêveur, têtu mais toujours entier. Bref : Vince a ces couleurs de la vie réelle, une authenticité indéniable, quelque chose de vrai, de naturel. C'est pour cette raison sans doute que l'on s'attache autant à lui. Vince est brut de décoffrage. Brut est le narrateur, parfois l'écriture. Mais les mots "bite", "cul" ou encore "sucer" et "PD" ne vont choquer que les plus jeunes, les innocents, voire les "purs". Je suis grande : l'écriture de l'auteur n'avait de cru à mes yeux que la sincérité qui s'en est dégagée tout au long de son récit.

La sincérité est ce qui m'a le plus bouleversée tout au long de ma lecture. Elle déborde de chacune des pages au point que l'on est en droit de se demander si Romance n'a pas, finalement, une part importante de "inspiré de faits réels" ; Vince est-il Arnaud Cathrine à l'adolescence ? Si tout n'est que fiction, alors l'auteur maîtrise haut la main l'adolescence et ses turpitudes, ses questionnements, ses obsessions, ses incertitudes... Arnaud Cathrine saurait alors parler des jeunes comme personne.

Romance, c'est l'histoire d'un premier amour, un premier amour raté, sinon "amour" ne serait pas précédé de "premier". J'ai lu que des lecteurs (peu nombreux, j'en suis sûre) ont été choqués par le fait que Vince soit "porté sur la chose", comme on dit ; mais qui, de nos jours, est choqué par un ado qui a vu plus de porno sur Internet que les adultes d'aujourd'hui ? L'auteur dépeint une adolescence sans filtre qui peut déranger certains alors que d'autres, dont je fais partie, trouveront tout ça somme toute normal. Mais Vince ne pense pas qu'au sexe ; sensible, il souhaite véritablement tomber amoureux. Presque dépité, c'est ainsi qu'il en vient à "essayer" Pablo, le gay du lycée, suite à un pacte passé avec sa meilleure amie Rokia. Son comportement analytique presque malsain témoigne alors de la volonté de vouloir contrôler les choses sans pour autant être sûr de ce que l'avenir lui réserve. Au fil des pages, on réalise que Vince ne contrôle rien, finalement. Vince trouvera l'amour ailleurs, peut-être là où on s'y attendait un peu mais la prévisibilité ne réside que dans un élément déclencheur, un certain climax, presque au sens propre. Cependant, l'incertitude qui tourmente les personnages va peser dans les pages, dans leurs coeurs mais aussi dans celui des lecteurs qu'une seule phrase parmi les toutes dernières pages, au détour d'une conversation avec sa mère, viendra assommer, telle une des baffes que Vince au sang chaud a l'habitude de coller à Lilian, l'homophobe du lycée.

La sexualité coule de source dans Romance qui n'est pas un roman érotique pour autant. L'homosexualité y est abordée en toute simplicité, sans ne jamais faire dans le voyeurisme ; on n'en fait pas des drames, on n'en fait pas des tonnes. Vince est homo ? Et alors. Sans se vouloir moralisateur, le roman va légèrement toucher du bout du doigt la question de l'homophobie et on appréciera la position que prendra le personnage principal et les conséquences des jugements qu'on portera sur lui. L'un d'eux sera décisif, la romance de Romance atteindra un point de non retour des plus impressionnants et des plus cruels, tant envers certains personnages qu'envers le lecteur, tout autant malmené que Vincente et un autre.

Romance finalement est un roman aussi court que puissant. Arnaud Cathrine n'y va pas par quatre chemin ; il écrit comme son narrateur parle et ce dernier ne mâche pas ses mots. L'écriture enivre. Les différents styles (narration, messages, journaux intimes, réseaux sociaux, etc) dynamisent un récit qui ne perd jamais de sa vivacité au point que le lecteur ne viendra reprendre son souffle qu'à la toute dernière page. Enfin, les garçons volés de Vince qui parsèment Romance sont à la fois captivants et énigmatiques et on en est à souhaiter qu'ils soient compilés dans un vrai carnet que tous les lecteurs curieux et fans du personnage et de Romance prendraient leur pied à parcourir pour de vrai.

J'accorde ★ ★ ★ ★ ★ à Romance. Romance est indéniablement un énorme coup de coeur. Intelligent, sincère, cultivé, beau et cruel à la fois, il est le film dramatique d'auteur à la réalisation millimétrée qui sort du lot, innovant, moderne et efficace. C'est un titre que j'aurais plutôt vu chez PKJ au lieu de Collection R où la science-fiction et les dystopies tiennent une place énorme au détriment de titres plus humains et sensibles qui manquent de visibilité comme Romance ou A la place du coeur, l'autre oeuvre young adult d'Arnaud Cathrine qu'il me tarde aujourd'hui de découvrir. Romance ne peut qu'éblouir les lecteurs en manque d'originalité et d'humanité dans ce monde de brutes. Moi qui ne sais habituellement pas apprécier des oeuvres terre-à-terre, Romance a eu, en moi, l'écho d'une certaine magie malgré tout qui rappelle que certains auteurs savent raconter des histoires belles et sincères, loin de celles plus commerciales qui laissent un arrière goût de déjà vu sur la langue, à l'image des blockbusters visuellement époustouflants mais scénaristiquement appauvris du cinéma. Romance est un chef d'oeuvre, une ode à l'adolescence sans fard, l'éloge d'un premier amour inespéré aussi fou et intense que douloureux et cruel. Je ne suis pas fan des happy ends, je ne suis pas fan de superficialité, je ne suis pas fan de banalité : je suis alors tombée amoureuse de Romance...
Lien : https://lirecestboireetmange..
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