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Critique de motspourmots


Quand on rencontre Hannelore Cayre, on comprend mieux la jubilation qui a dû présider à l'écriture de ce livre. Il y a un mélange d'impertinence et de provocation dans son petit sourire et ses yeux grands ouverts qui vous fixent avec une lueur vaguement narquoise. Alors comme ça, les lecteurs trouvent son héroïne courageuse ? Cette Prudence Portefeux qui agit en toute illégalité et toute immoralité au nez et à la barbe de son employeur, le Ministère de la justice... Eh oui. C'est effectivement ce qui marque lorsqu'on referme ce polar qui se lit d'une traite : on est tous derrière Prudence, comme si elle osait à notre place franchir les lignes jaunes (et très jaunes quand même !).

Prudence Portefeux est une femme à la cinquantaine un peu fatiguée, usée par des années de labeur pour faire vivre sa famille après la mort de son mari terrassé par un AVC dans la fleur de l'âge. Grâce à sa connaissance parfaite de la langue arabe, Prudence travaille pour la justice en tant que traductrice des comptes-rendus d'écoutes téléphoniques. Un métier apprend-on au passage qui ne bénéficie pas d'un statut officiel, les traducteurs étant donc payés au noir, au temps passé (statut qui vient d'être modifié en février 2017 nous précise l'auteur). Prudence multiplie donc les heures afin de payer les mensualités de l'EPHAD où est hébergée sa mère, invalide. le jour où elle s'aperçoit que la mère de l'un des délinquants dont elle traduit les conversations travaille justement dans cet EPHAD, Prudence va basculer de l'autre côté et prendre sa revanche sur toutes ses années de galère. Elle va mettre à profit le temps d'avance que son statut lui octroie sur les policiers en matière de suivi des transactions de cannabis... Bientôt, le petit milieu la connaît sous son nouveau nom de scène : La daronne.
Bien sûr, la connaissance du milieu judiciaire - Hannelore Cayre est avocate pénaliste - permet à l'auteure de mener son lecteur dans les arcanes du système avec une simplicité agréable qui évite les prises de tête. Il y a des failles, il suffit de les exploiter. Mais ce n'est pas le seul intérêt de ce polar malin qui met en évidence les réalités auxquelles cette génération est confrontée. Première génération à devoir supporter les charges de parents qui vivent certes plus vieux mais dans des conditions nécessitant de lourds investissements. Pour une majorité d'entre eux, c'est inhumain. Il y a donc plusieurs mondes qui coexistent, celui de l'argent facile, des truands et des petits caïds et celui des pauvres hères qui triment pour payer les études de leurs enfants et les maisons de retraite de leurs parents. Pas étonnant qu'on éprouve de l'empathie pour cette daronne qui endosse à sa façon une partie des habits de Robin des Bois.

Il faut dire qu'elle a des sacrés gènes, Prudence... La plongée dans son enfance, la lecture du pedigree de ses parents permettent de mieux comprendre au fil de la lecture pourquoi elle donne soudain l'impression d'avoir fait ça toute sa vie. C'est d'autant plus savoureux d'entendre l'auteure expliquer qu'elle s'appuie sur des éléments autobiographiques pour décrire l'enfance de son héroïne.

On a donc une excellente idée de départ, une héroïne pas piquée des hannetons, un décor plus vrai que nature, des personnages sacrément bien dessinés (les caïds... un régal !), mention particulière pour le background de la communauté chinoise de Belleville qui devient peu à peu un élément important du dispositif narratif. D'ailleurs, le personnage de Madame Fo plait tellement aux lecteurs que l'auteure songe à en faire le sujet de son prochain roman.

Vous savez ce qu'il vous reste à faire... Vous verrez, c'est un bon gros kif de lecture qui vous donnera plein de mauvaises idées, et vous n'en aurez même pas honte.
Lien : http://www.motspourmots.fr/2..
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