[...] Dans les rayographies, il tente de mettre en évidence la motilité de la matière, comme s'il émanait des corps énergie et vie, manifestations d'une force sombre à laquelle il faut se référer pour se débarrasser de tout conditionnement.
Pour Man Ray, le domaine de l'art, comme celui de la photographie, est le domaine des mélanges impurs, le lieu même où se loge la dépossession des choses et des êtres, qui sont utilisés et imbriqués, à la recherche d'une métamorphose. Au cours de son travail, l'artiste, par le biais de ses élaborations de choses et d'images, a poussé jusqu'à l'achèvement, avec Marcel Duchamp et les dadaïstes, un vertigineux bouleversement de la notion de peinture et de sculpture. En cherchant à exalter l'objet contemplé contre toute raison, il a élargi le sens du mélange linguistique et de la réabsorption objectuelle de l'art de la photographie.
Man Ray se pose en nomade sur le seuil de deux réalités, un voyageur entre yin et yang, entre mort et vie, dont le visage bifrons est éclairé sur une face et, sur l'autre, est dans les ténèbres.
Ce sont des lieux de polarité entre forme et informe, matériel et immatériel, qui mettent en évidence la continuelle recherche d'une dialectique, le moteur de l'oeuvre de Man Ray. En particulier, l'ombre ou l'éclairage des visages et des torses, nus ou vêtus, confèrent à l'image une force mystérieuse.