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Critique de HundredDreams


Javier Cercas ne m'était pas inconnu, j'avais vu plusieurs fois ses romans exposés dans les librairies dont « Terra Alta », mais je n'étais pas allée plus loin. Alors merci Idil (Bookycooky) pour m'avoir permise de découvrir cet auteur espagnol avec ce court récit de moins de cent pages.

A l'origine, « le mobile » faisait parti d'un recueil de cinq nouvelles écrites dans la jeunesse de l'auteur. Au final, Javier Cercas conservera uniquement celle-ci qu'il publiera en 1987.

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Le récit commence par la présentation du principal protagoniste de cette histoire, Álvaro. Ses réflexions sur la littérature et l'acte d'écrire nous permettent de découvrir un homme tourmenté, fermé, obsédé.
« Il considérait que la littérature est une maîtresse possessive. Soit il la servait avec un zèle et une dévotion absolus, soit elle l'abandonnait à son sort. »

Puis l'histoire évolue et devient un thriller psychologique dans lequel, entre les dialogues et les monologues intérieurs, on est amené à s'interroger sur les personnes manipulatrices, sur les obsessions de chacun et leurs conséquences.

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Álvaro, le narrateur de ce récit, conseiller juridique passionné de littérature, projette d'écrire un roman policier ambitieux qui bouleversera l'histoire de la littérature.
Pour cela, il choisit les personnages de son roman parmi les habitants de son immeuble, un retraité discret qui cache ses économies chez lui, dans un coffre-fort fermé à clé, et un jeune couple en proie à des difficultés financières.

« Álvaro se plonge dans son travail. Ses personnages l'accompagnent partout : ils travaillent avec lui, se promènent, dorment, vont aux toilettes, boivent, rêvent, s'assoient devant le poste de télévision, respirent avec lui. Il noircit des centaines de pages d'observations, d'annotations, d'épisodes, de corrections, de descriptions de ses personnages et de leur milieu. »

Impitoyable, insensible, inébranlable, l'écrivain va jouer avec ses voisins, comme un marionnettiste tirant les ficelles, les espionnant, les manipulant, influant sur leur vie, leurs choix et leurs décisions, dans le seul but d'en faire des pantins, de leur faire jouer le rôle qu'il leur a attribué dans sa fiction et amener ainsi le couple à commettre le meurtre du vieil homme.

« Malgré tous les revers du siècle, il fallait continuer à croire au roman. Certains l'avaient déjà compris. Aucun instrument ne pouvait capter avec une telle précision et une telle richesse de nuances la complexité infinie du réel. Quant au certificat de décès du roman, il estimait qu'il s'agissait là d'un dangereux préjugé hégélien ; l'art n'avance ni ne recule : l'art advient. »

L'atmosphère du roman s'épaissit jusqu'à la toute fin, surprenante, originale.

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La force de ce premier roman, c'est avant tout dans la mise en lumière des mécanismes de création littéraire d'Álvaro dans une vertigineuse mise en abyme. Ce « roman dans le roman » entretient ainsi un jeu de confusion entre la fiction et la réalité dans un format court qui maintient l'immersion totale du lecteur.

Je dois dire que le déroulement de l'intrigue, l'ironie que l'on perçoit également, la tension si bien ajustée, piquent forcément la curiosité. Et, même si je suis restée vigilante, essayant de garder le lien avec le réel, recherchant les moments de bascule, lorsqu'est arrivée la dernière page du récit, j'ai été stupéfiée de m'apercevoir que j'avais été manipulée par l'auteur.
Quel auteur, me direz-vous ? A vous de le découvrir, mais cette dernière page justifie tout l'intérêt du roman.

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Pour conclure, ce court récit se lit d'une traite pour mieux savoureux la chute. « le mobile » est une sorte d'expérience littéraire dans lequel la fiction et la réalité, dans un jeu de dupe, se fondent jusqu'au meurtre.
Cette première nouvelle, grâce à une habile mise en abîme, laisse présager de très belles lectures à venir. Une découverte originale qui permettra de reprendre son souffle entre deux lectures plus imposantes.
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