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Critique de FredericSoulier


Je n'ai pas accroché à Joachim, ce qui est un euphémisme couramment employé par les gens sur les groupes quand ils n'osent pas dire qu'ils ont trouvé un bouquin mauvais de peur de subir la vindicte populaire.
Déjà, messieurs dames les auteurs, il faut arrêter maintenant avec les titres de bouquin qui prennent la forme d'un prénom. Vous avez fait le tour du calendrier, c'est bon, y a guère que Jean-Bernard et Mamadou que vous n'avez pas employé. Vous êtes censé avoir de l'imagination, alors sortez vous les doigts.
Bon, il paraît que je n'ai pas commencé par le bon Cetro. Dès le début de Joachim, j'ai eu le sentiment d'évoluer en sentier balisé, formaté. On pense fortement à Ça de Stephen King, un peu aux Goonies, aussi. Une histoire d'enlèvements d'enfants par une entité revancharde. (J'ai déjà lu un truc assez semblable, Dévoreuse, de Didier Fédou, grossièrement bâti autour du même squelette, mais plus convainquant). Pas de doute, on est dans le thriller horrifique.
Le problème, c'est que j'ai trouvé ce bouquin mal écrit, et quand j'écris « mal écrit », je ne veux rien dire d'autre que « mal écrit ».
Les dialogues, tout d'abord. Ils étouffent le récit. Les personnages parlent beaucoup, mais surtout pour dire des banalités qui pourraient passer par la narration. C'est parfois truculent, mais ça manque de naturel. Comme ce méchant qui aussitôt démasqué fait le compte de ses méfaits avec force détails. La relation entre Joseph le gitan et Sam (ou Lucas, je les ai confondus tout du long) est sympa, ça vanne à tout-va, il y a même quelques punchlines dévastatrices comme : « Il (le père) est capable de se brûler avec un truc qui sort du frigo », ou encore « Il a la bouche trop près du cul, ça s'mélange, faut toujours qu'il dise de la merde. »
Le problème, c'est que la gentille petite famille de Sam et Lucas, d'un mièvre qui ferait passer celle de Papa bricole pour la famille déjantée de Shameless, m'a rapidement provoqué des spasmes gastriques. Et vas-y que je te bisouille, que je te lèche les fossettes, que je te déverse des gallons de larmes... Une manière artificielle de nous préparer à un final invraisemblable et qui tombe comme un cheveu dans le potage.
Parfois, pourtant, une jolie tirade : « Papa et maman ils ont tout un trousseau (de clés), c'est pour ça qu'ils sont ensemble depuis si longtemps. Dès qu'une porte se ferme, ils trouvent le moyen d'en ouvrir une autre. »
On arrive au vrai sujet qui m'a fâché : le style de la narration. Poussif. Emprunté. Maniéré.
« Une suite de bruits, incongrus dans leur environnement familier, vint soudain s'imposer pour emplir leur univers auditif et en prendre le monopole. »
Je dis non. Si j'écris un truc comme ça, dites-le moi, je mettrai du tipp-ex.
Ou encore plus maladroit : « La luminosité en constante élévation lui permit de repérer une traînée fraîche laissée dans la couche humifère »
Pire, quand on attribue à un sentiment des attributs : « La peur, ennemie sournoise autant que familière, s'invita en maître pour lui ordonner de ne plus bouger. »
Ah...
J'y vais fort sur les citations, je les ai même notées tant elles m'ont... désarçonné, ce que je ne fais que rarement d'habitude : « le hurlement de douleur et de terreur du garçon ne rencontrèrent aucune oreille, et la forêt, de son silence, lui promit de tourner les yeux et de ne pas lui venir en aide. »
Et quand ce n'est pas prosaïque comme ci-dessus, c'est juste foireux comme ci-après (tentative ratée d'écrire autre chose que son coeur battait la chamade) : « Battements cardiaques au taquet, il tenta de l'apercevoir, le chercha désespérément. »
Je clos ce festival de citations, parce qu'on va croire que j'ai quelque chose contre l'auteur (alors que j'apprécie le bonhomme pour l'humanisme qui s'en dégage), par un autre exemple de ce style bancal qui fait de l'anthropomorphisme avec des concepts, des sentiments et des objets : « Quelque chose de malsain flottait dans l'air ambiant, indéfinissable malaise d'origine inconnue, comme si de longue date cette salle sécrète servait de refuge au mal même, et qu'il l'avait marqué de son sang et de ses gênes. »

Voilà, j'ai fini, cette mauvaise expérience confirme en tout cas que, selon moi, on n'écrit pas un roman en trois mois, à moins d'être un putain de génie. Et des génies, j'en ai encore croisé aucun dans l'autoédition. Et qu'un roman impeccablement corrigé n'est pas obligatoirement un roman abouti.
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