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Critique de berni_29


Quelle est cette petite goutte d'eau qui fait déborder le vase de l'ennui ? du ras-le-bol ? Une forme de lassitude venue avec le temps comme si plus rien ne devait arriver, surprendre, cueillir l'étonnement dans le paysage quotidien ?
Ce n'est peut-être pas une goutte d'eau puisque le geste semblait prévu d'avance, prémédité. La valise était prête déjà sur le lit de la chambre conjugale.
C'est l'anniversaire de Josy, toute la famille est réunie pour fêter ses soixante ans, son mari, ses enfants, ses petits-enfants... Ils sont tous là, chouette !
Qu'est-ce qui lui donne envie de prendre la fuite, de démarrer ce vieux combi VW qui sommeillait dans le garage ? La peur de vivre ? La peur de mourir ? Bon sang, est-ce qu'il va démarrer ?
Ce n'est peut-être pas une goutte d'eau, mais au moment de prendre place autour de la table dressée pour fêter l'anniversaire de Josy, son mari surgit la bouche en coeur, sentant la cigarette, il réparait la porte du garage, sa chemise et ses mains sont souillées et il n'a pas pris la peine de se changer, il s'assied ainsi à la table. Ce n'est pas la goutte d'eau peut-être, c'est juste le détail qui tue, l'envie pour Josy de sentir d'autres odeurs, peut-être d'autres gestes et d'autres regards aussi...
Les premières pages nous délivrent une fulgurance vers la fuite murement préparée, dans cette évasion vers la liberté d'une femme qui écoute ses désirs.
Trente-cinq ans de mariage. Un mari aimable, peut-être parfois attentionné, mais peut-être pas assez attentif...
Quelque chose s'est usé...
Les jours ordinaires sont parfois cruels, ils le sont encore peut-être plus pour une femme qui aborde la soixantaine... C'est comme un rivage terrible, terrifiant, morne, sans vie, où le sens n'existe plus. Alors, quitte à aborder un nouveau rivage, ou virage, autant pousser la barque un peu plus loin....
Cette valise qui trônait sur le lit de la chambre conjugale ressemble déjà à un rêve en partance, tandis que le mari répare la porte du garage...
D'ailleurs, au fond, quand elle s'évade de ce jour d'anniversaire, elle ne lui en veut plus d'avoir su réparer cette porte de garage qui enfin s'ouvre vers l'ailleurs...
J'ai aimé cette fuite avec comme bande-son Alain Bashung, on ne peut pas trouver une meilleure étoile pour rebondir dans le ciel.
En avant, route !
J'ai adoré ce portrait de femme au bord d'un des abîmes de sa vie, écrit et dessiné à deux voix. D'une part Ingrid Chabbert porte les mots à la fois ordinaires et émouvants, les entrelacements des personnages et d'autre part Aimée de Jongh qui pose un dessin expressif et délicat sur cette histoire, sur ces voix, sur ces mots. C'est juste pour moi une magnifique harmonie.
Josy n'est pas partie à la meilleure des saisons... Mais on ne choisit pas toujours le moment de partir.
Pour Josy, le déclic est venu à l'âge de soixante ans. Partir ce jour-là, le jour de ses soixante ans, précisément le jour de son anniversaire...
Alors c'est un roadmovie qui commence comme je les aime.
L'incompréhension est là, pour toute la famille bien évidemment, et notamment chez la fille de Josy à laquelle cette dernière dit : « Tout ce qui t'intéresse, ce n'est pas de savoir pourquoi je suis partie mais si et quand je vais rentrer à la maison. »
Partir. On ne part pas toujours pour quelqu'un. En revanche on quitte quelqu'un, un monde, le monde d'avant... Quand on part, on ne sait pas toujours vers quelle destination...
J'ai l'impression d'enfoncer des portes ouvertes, mais les mots et le dessin de ce roman graphique traduisent à merveille la subtilité de ces instants douloureux et emplis de rêves.
Partir, c'est revivre un peu. Comment revivre à soixante-ans. C'est se confronter à la dureté des premiers jours. Passé l'idée du romantisme de la femme qui fuit, il y a la réalité rude et belle qui prend le relais. Mais il y a des rencontres forcément aussi.
Dans les rencontres de Josy, il y a de multiples personnages... Des hommes, des femmes, des territoires de bonheurs insoupçonnés...
Dans les rencontres de Josy se dessinent aussi une belle sororité. Alors elle se sent bien...
Et le reste, ce sont de merveilleuses pages que j'ai eu plaisir à visiter en compagnie de Josy, comme une amie, comme une soeur.
La dernière planche qui clôt ce très beau roman graphique et imagine le début d'une autre histoire est simplement belle.
Je remercie Babelio et les éditions DUPUIS de m'avoir fait découvrir cette magnifique BD dans le cadre d'une Masse Critique privilégiée.

♬ La nuit je mens
Je prends des trains à travers la plaine
La nuit je mens ♬
Je m'en lave les mains
♬ J'ai dans les bottes des montagnes de questions
Où subsiste encore ton écho
Où subsiste encore ton écho ♬

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