AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
>

Critique de Eleusis


Au début, je ne savais pas quoi penser du personnage principal. Guita Salim a quitté l'Iran avec son mari au moment de la révolution et s'est installée en France. L'exposition du roman nous fait bien vite comprendre qu'elle charrie avec elle des traumatismes avec lesquels elle doit aujourd'hui composer. Les drames de sa vie se dévoilent lentement, au terme des nombreuses circonvolutions de l'héroïne qui n'a pas tout à fait rompu avec les blessures d'autrefois et semble rechigner à les regarder en face. Ce qui est drôle, c'est qu'au départ, Guita m'a semblé passive, ballottée par les événements, traversant un peu sa vie comme une somnambule. Elle est dans l'admiration face à Elaneh, l'écrivain qui habitait en face de chez elle à l'époque, puis face à Sina qu'elle rencontre en France après une longue correspondance, et qui s'échine depuis des années à écrire un roman qu'il ne parvient pas à finir. Elle est partie en France sous l'impulsion de son mari, elle est déconnectée de ses ressentis et de ses sensations, elle rencontre même Elaneh parce que Sina l'a voulu, et en subissant l'admiration qu'il a encore pour elle. Pourtant, un petit rouage a comme changé de sens dans la grande machine. Ce n'est pas éclatant ni même spectaculaire, c'est juste comme dans la vie : Guita change, fait peu à peu la paix avec son passé, s'en éloigne, presqu'insensiblement… et se dirige vers autre chose.


Sa relation avec Elaneh, princesse des rêves et des souvenirs aujourd'hui déchue, est particulièrement touchante. Son regard s'affûte ou, plutôt, se libère : d'avoir renoué avec son passé, elle peut désormais avancer sur sa propre route. Demande au miroir ne serait-il pas, en ce sens, un remède à la décadence ? A sa façon, sans fanfares, le roman nous raconte, simplement, avec une grande pudeur, l'histoire d'un renouveau – d'une lente régénération après le désastre.

Demande au miroir est un roman qui vous trotte longtemps dans la tête après l'avoir refermé. J'y ai vu d'autres choses : j'ai resongé à la grande fête, climax du roman, où s'entrechoquent les destins de tous ces iraniens, tournés vers le passé, perdus dans l'ivresse du présent ou allant déjà vers l'avenir – et qui semble à la fois un écho et une dissonance par rapport à celles qu'organisait autrefois Elaneh. J'ai repensé à Sina et à son roman avorté et au débat sur la littérature iranienne auquel assiste Guita, et où il est question du génial mais très sombre roman de Sadegh Hedayat, La Chouette aveugle. Que je pense lire au passage, tant qu'à faire.

En fait, il est vraiment complexe, ce livre. D'ailleurs, dans les quelques retours que j'ai pu lire (essentiellement celui de Clara dans les commentaires et ceux de Babelio), je vois que chacun y a vu des choses un peu différentes – sans être contradictoire. Alors plutôt que de me voir baragouiner et me demander ce que je dois mettre en avant dans ma propre chronique, vous devriez peut-être le lire aussi, pour voir ce que vous, vous y trouverez…
Lien : https://gnossiennes.wordpres..
Commenter  J’apprécie          20



Ont apprécié cette critique (1)voir plus




{* *}