Maintenant, je suis là, assis au bord du lit. Tes yeux sont fermés. Le pronostic est réservé. Ils parlent d’un collapsus foudroyant. Ils disent que tu aurais dû venir avant. Ils savent pas ce qu’on fait, dans la vie, pour croûter ? Ils savent pas ? Ils parlent d’un empoisonnement possible. Empoisonnement à quoi, mystère. En fait, ils savent rien. Ils ont jamais rien su, ces types en blouse blanche, à part réparer, cautériser, prolonger le calvaire. Avec un truc pareil, c’est couru d’avance : les collègues vont pas tarder à rappliquer et à ce moment, ça va commencer à être coton. Je pourrai plus venir te voir autant que je voudrai, tu comprends ? Mais pour l’instant je suis là et je te parle. Je te dis les dernières choses importantes avant qu’il ne reste plus rien.
Tu peux pas partir maintenant, parce que j’ai pas fini de t’aimer, tu entends ?
Tu peux pas partir maintenant parce qu’il y a un putain de miracle qui va arriver.
Tu peux pas partir parce que je vais te donner mes larmes, je vais te donner mon sang, mes tripes, ma chair. Tout ce que je possède. Tout ce que j’ai de plus beau. Encore. Encore. Et si ça suffit pas, je te donnerai aussi tout ce qui n’est pas à moi.
Beaucoup de peuple. La France qui se couche tard. La France en week-end. La France qui décompresse. La France qui oublie. Qui dépense ce qu'elle peut encore dépenser.
Certains ont accepté ce qu’ils ont découvert. D’autres ont nié. Quelques-uns ont été reconnaissants. Parfois même au point de me vouer un culte absurde. Il y en a qui m’en ont voulu. Ce qui est compréhensible. Je vous l’ai dit, il existe à peu près tous les cas de figure.