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Critique de elea2020


Mémoires d'un rat est un récit de guerre qui nécessite une base de connaissances sur les conditions de vie des Poilus pendant la Première Guerre Mondiale, dans les tranchées et au front - connaissances sur l'organisation de la vie militaire, l'alimentation, l'hygiène, les loisirs (si l'on peut dire), et surtout la censure et la propagande. C'est en tout cas un texte idéal pour le programme de Troisième, avec l'apport de l'histoire. Toutefois, mon intérêt pour ce roman va bien au-delà du document qu'il offre sur le quotidien et l'état d'esprit des soldats au front, car l'auteur y fait preuve d'une si féroce et réjouissante ironie que je me suis littéralement régalée de cette brève lecture.

Jugez plutôt : Ferdinand, le narrateur, se fait bêtement attraper par gourmandise, alors qu'il menait la vie de rat de tranchée la plus amusante qui soit. Il va devoir composer avec sa nouvelle situation de prisonnier, et vivre au milieu des soldats. Cependant, une solide amitié se noue avec son maître, Juvenet, amitié qui se renforce lorsqu'un gradé décrète que les rats sont d'une grande utilité pour prévenir d'une attaque aux gaz. On se doute que les Poilus ont quelque antagonisme avec les rongeurs, mais à présent c'est en véritable mascotte du régiment que Ferdinand fait honneur à son maître. Un changement s'opère : Ferdinand est touché par la fierté patriotique, et s'éloigne de plus en plus de sa condition initiale de rat.

Ferdinand connaîtra tous les secrets de la vie du Poilu, puisqu'il sera transporté dans sa petite caisse aussi bien au front, sous les obus (sauvant ainsi la vie de son maître et lui valant la croix de guerre), qu'à l'arrière dans les cuisines. Enfin, Juvenet et lui seront même de la partie lors de l'offensive de la Marne. de son oeil de rat, à la fois acteur et spectateur des tribulations des hommes, Ferdinand observe et nous livre ses réflexions sur les aléas de la vie de Poilu. C'est parfois très drôle, parfois d'une ironie grinçante, parfois même poignant, mais cela fait réfléchir, et l'on saisit vite l'universalité du propos. le commentaire annonce un récit accessible, mais c'est bien plus que cela : il nous plonge littéralement au milieu des combats, ou de la vie ennuyeuse des soldats, toujours dans l'attente de commandements qui ne viennent pas, ou mieux, de la relève. Car chacun a une conscience aiguë d'une chance qui pourrait ne pas durer.

Il s'agit également d'une charge contre la vie à l'arrière, qui se déroule comme si de rien n'était, et lorsque le Poilu rentre pour une permission, certes on le fête, mais il est tenu de correspondre à l'image glorieuse qu'on veut se faire de la guerre, car avant tout, n'est-ce pas, il faut bien parader grâce à lui, et profiter un peu du lustre patriotique qu'il permet de se donner... à peu de frais. On ne peut s'empêcher de penser que le véritable retour, une fois démobilisé, sera difficile. C'est un constat amer, mais toujours humaniste auquel se livre l'auteur, qui a vraiment bien exploité la condition animale de son narrateur. Pour tout dire, je vois là un essentiel, et vais de ce pas le commander en version intégrale, car j'ai été déçue que cette édition scolaire ne propose que des extraits choisis, même si l'ensemble est arrangé avec cohérence.
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