AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
>

Critique de Hulot



Récit d'un crevard


Dans les mines aurifères de la Kolyma, il faut quinze jours pour devenir un crevard selon Varlam Chalamov qui passa dix-sept ans au Goulag, connut des milliers de crevards et en fut un, lui-même, à de multiples reprises.

Etre un crevard, c'est toucher le fond, être au bout du bout, ne plus pouvoir penser plus loin que l'heure qui suit, perdre la mémoire, celle des noms et celle des visages, ne plus parler. Un crevard utilise, au maximum, vingt mots dans une journée qui ont, tous, rapport à son obsession, son seul horizon : posséder un morceau de pain rassis de trois jours qu'il sucera, mâchera pendant des heures.

Varlam Chalamov aurait dû mourir mille fois. Il ne sait d'ailleurs pas lui même comment il a survécu si ce n'est grâce, après un énième séjour à l'hôpital, à un médecin qui fit de lui un aide-médecin. Il nous raconte son quotidien, ainsi que celui de milliers d'hommes et de femmes, fait de souffrances, de cruautés, de violences, de haines, de privations.

Il nous dresse, en détail, le portrait de personnes qu'il a bien connues mais aussi d'anonymes que la Kolyma a engloutis à tout jamais. Il n'y a pas de mots assez forts pour parler de cet ouvrage, il est impossible à résumer, à appréhender, il faut le lire pour "savoir" ou du moins commencer à comprendre.

C'est une lecture exigeante, éprouvante, terrifiante qu'il vaut mieux étaler dans le temps pour mieux absorber, assimiler ce récit, s'en imprégner lentement, ne serait-ce que par respect pour l'auteur et ses compagnons.

Est ce un livre désespéré ? Malheureusement non pour Chalamov, car pour lui, c'est à cause de l'espoir que tout cela est possible. Pour l'auteur, les nazis n'auraient jamais pu conduire les gens jusqu'aux chambres à gaz si l'espoir n'était pas demeuré en eux et ainsi donc, les tortionnaires et bourreaux de la Kolyma n'auraient jamais pu tuer, pendant des années, par le travail et les privations, ces hommes et ces femmes : l'espoir empêche de se révolter, il amène la résignation, l'acceptation parce qu'avec lui, il existe peut-être encore une façon de survivre.

Le crevard, lui, l'espoir, il s'en fout, il n'a même plus la force d'y penser...

Commenter  J’apprécie          6915



Ont apprécié cette critique (59)voir plus




{* *}