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Critique de Cricri124


Dès les premières lignes, nous sommes mis au jus…
« La première fois que j'ai vu mon traître, il m'a appris à pisser. C'était à Belfast, au Thomas Ashe, un club réservé aux anciens prisonniers républicains. »

En fait, nous sommes très loin encore d'être dans le grand bain mais j'ai beaucoup aimé cette entrée en matière.

Ce traître, son traître, comme le nomme le narrateur, c'est Tyrone Meehan, une figure emblématique de la lutte indépendantiste et surtout son ami.
Le récit se déroule approximativement entre 1974 et 2007. le narrateur Antoine, rebaptisé Tony par ses amis irlandais, est un luthier français qui se rend régulièrement en Irlande. Il va tomber éperdument, inconditionnellement, passionnément amoureux de l'Irlande du Nord.

La trahison est évidement au coeur de ce récit, une trahison à l'image d'un miroir brisé, aux multiples éclats mais qu'on ne s'y trompe pas, il s'agit également d'un roman d'amitié et d'amour : l'amour d'un pays, l'Irlande du Nord. Il y est en effet omniprésent ; il s'enfonce à travers des routes ondoyantes et moutonneuses, des routes ensablées aussi.

« Je connaissais tout le monde à Belfast. C'est-à-dire personne. Un clin d'oeil ici, un salut là, une poignée de main parfois. Des regards croisés, des visages connus, mais quoi ? Jim et Tyrone étaient mes Irlandais. Je ne dormais pas à Belfast, je dormais chez Jim O'Leary. Je ne défilais pas dans la rue avec les républicains, je marchais avec Tyrone Meehan. C'étaient eux. C'était tout. Mon Irlande était construite sur deux amitiés. Mon Irlande était du sable. »

C'est donc son apprentissage de Irlande que Tony raconte, des souvenirs au présent, pas toujours linéaires, une Irlande édifiée sur des liens d'amitiés solides, croyait-il, une Irlande qui l'enveloppe comme une seconde peau, une Irlande où il se sent bien, chez lui. L'atmosphère électrique de l'époque est particulièrement bien rendue. Les pubs, les coutumes locales se mêlent à l'odeur amère des combats qui enveloppe la ville comme un brouillard persistant. le quotidien est difficile mais la solidarité, la dignité, et la fierté des habitants ne faiblissent pas.

J'ai été parfois été dérangée par la « foi » aveugle du narrateur envers l'IRA quelque que soient les exactions qu'elle puisse commettre. Elle apparait presque bon enfant. Un certain nombre de zones d'ombres demeurent également, et non des moindres. Mais l'écriture de Sorj Chalandon galope, s'ébroue, se cabre. On ne peut que s'agripper à la crinière des mots et ressentir les émotions qu'elle nous offre dans sa course. Certains passages sont particulièrement poignants.

Mon traître est donc un roman d'atmosphère et d'amitié, imprégné de l'amour d'un pays qui donne indubitablement envie de connaitre l'Irlande et son histoire… ou d'y retourner. Cette histoire est d'autant plus touchante qu'elle est visiblement plus ou moins inspirée de l'histoire personnelle de Sorj Chalandon lui-même, ce dernier ayant en effet été très proche de Denis Donaldson, alias Tyrone Meehan dans le livre.
Je ne peux que remercier Nadou38 et Siabelle de m'avoir entrainée dans cette aventure Irlandaise.
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