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Critique de Arthur409


Un groupe de 19 hommes s'apprête à entamer une période d'au moins un an (qui pourra se prolonger éventuellement jusqu'à deux ans), dans des conditions très mal connues, en un lieu inexploré, en étant totalement coupé du monde extérieur.
Une mission d'entraînement pour des astronautes destinés à une expédition sur Mars ? Non. Nous sommes en janvier 1904, et il s'agit de l'équipage du Français, le bateau commandé par Jean-Baptiste Charcot. Ces hommes s'apprêtent à effectuer le premier hivernage dans l'Antarctique, alors que commence tout juste l'exploration systématique de ce continent.
Pour affronter l'inconnu, tout en utilisant l'expérience des précurseurs, en particulier des chasseurs de baleines qui ont commencé les premiers l' « exploitation » de cette zone géographique, Charcot a embarqué tout le matériel et les approvisionnements « prévisibles », mais aussi les outils et les hommes qui permettront de résoudre les problèmes inattendus. Les situations difficiles seront résolues par les « moyens du bord », c'est vraiment le cas de le dire. Il faut savoir tout faire, à bord du Français, et du Pourquoi pas ? au cours de la seconde expédition.
Les récits des deux hivernages conduits par Charcot en 1903-1905, puis en 1908-1910, sont basés sur son journal de bord. le style est donc souvent celui d'un homme précis, d'un scientifique et d'un marin. Mais en dépit de passages quelquefois répétitifs, décrivant les conditions de la glace sur la mer, ou les violentes tempêtes qui se succèdent (nous sommes dans les « soixantièmes hurlants »), on trouve assez souvent des passages très littéraires. Cela m'a rappelé le style de Camille Flammarion dans ses descriptions des spectacles célestes. On sent qu'à cette époque du début du vingtième siècle, même un scientifique (Charcot était médecin de formation, avant d'être marin) avait une solide culture littéraire. Charcot cite plusieurs fois dans son journal les auteurs latins, sans juger utile de donner la traduction…
J'ai été surpris de trouver dans un écrit de cette époque un souci réel de la condition animale : les marins qui passent plus d'un an loin de toute source d'approvisionnement doivent nécessairement trouver sur place une nourriture qui ne peut être qu'animale ; essentiellement des phoques et des « pingouins » que nous appelons aujourd'hui « manchots ». Charcot a toujours eu le souci de tuer le moins possible d'animaux pour les besoins de l'équipage, et de leur épargner au maximum toute souffrance. Il interdisait à son équipage et aux chiens de traîneaux toute forme de chasse gratuite. Sur la fin de son second voyage, il participe lors d'une escale à l'île de la Déception, à une chasse à la baleine, et se réjouit quand ces animaux échappent aux harpons des chasseurs norvégiens ou chiliens.
Admirons au passage une forme de patriotisme qui peut paraître un peu naïf de nos jours : Charcot se dévoue entièrement à son expédition scientifique pour l'honneur de la France : il va même jusqu'à prendre de gros risques, puisque lors des deux expéditions, il suit jusqu'au bout le programme qu'il s'est fixé, malgré d'importantes voies d'eau dans la coque de chacun de ses navires, qui le mettent à la merci d'un choc avec un iceberg ou un récif.
Un regret vis-à-vis de l'édition proposée par Arthaud : il manque les cartes nécessaires au bon suivi des deux expéditions successives. Je suis parti à la recherche de documents sur Internet : la meilleure illustration que j'ai trouvée est une carte de la péninsule Antarctique à l'adresse :
http://www.alainbidart.fr/galeries/Ant/Peninsule2/Carte_BAS.jpg
Cette carte demanderait cependant un complément ou une adaptation, car les noms de certains lieux ont changé depuis l'époque de Charcot.
L'ensemble des deux volumes (réunis en un seul), le Français au Pôle Sud et le Pourquoi-pas ? dans l'Arctique, constitue un très intéressant document sur les débuts de l'exploration de l'Antarctique, avec en prime des descriptions enthousiastes des paysages et surtout de la vie animale dans ces contrées.
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