Argent, rang social et influence comptent toujours. Combien atteignent le sommet de l’échelle par leur seul mérite ?
« Espoir différé lasse le cœur… »
La rivière qu’était ma vie n’était pas le moins du monde traînante. Elle était avide « de courir », après les années calmes passées à serpenter à travers les prairies tranquilles.
Père était un grand amoureux de la nature et de tous ses habitants, qu’ils soient à fourrure ou à plumes. Il m’avait enseigné à les observer et… parfois j’avais eu le plaisir d’annoncer à Aylward avec beaucoup de fierté une de mes découvertes. Cecil avait été mon compagnon de tous les instants, et plus tard l’élu de mon cœur, mais, dès le début, Aylward avait été mon héros.
On n’achète pas les gens comme un vêtement au rayon des soldes.
Sa peau avait la pâleur et la matité des pétales de certaines fleurs, et on avait l’impression que des mains un peu rudes, si elles l’avaient saisie, l’auraient meurtrie et fanée. Ses épaules étaient noyées sous une masse de longs cheveux pâles en désordre. Des traces de larmes étaient encore visibles sur ses joues, et sous ses yeux, de grands cernes noirs. Un romantique l’aurait décrite en disant : « Elle avait l’air, dans cet immense lit, pathétiquement grêle et perdue. » En ce qui me concernait, même en l’examinant hâtivement, elle ne m’avait pas semblé pathétique.
Croyait-il vraiment que les choses s’arrangeraient ainsi, ou bien cherchait-il à me laisser tomber en douceur ? Je n’ai jamais su. Une rupture franche et honnête aurait été plus humaine à la longue, que la torture d’un espoir qui se meurt et l’angoisse de craintes qui ne cessent de se rappeler à vous.
Il n’avait jamais dit qu’il avait cessé de m’aimer, jamais admis qu’il devenait las d’attendre. Il avait simplement commencé, imperceptiblement au début, à s’éloigner de moi. Ses visites toujours brèves s’étaient faites plus brèves encore, et de plus en plus espacées.
Elle a déjà suffisamment roussi ses pauvres pattes, interrompit Aylward dans un de ces gestes chevaleresques qui toujours allumaient en moi le culte du héros. De plus, elle n’a pas besoin qu’on lui dise la bonne aventure. Les filles aux cheveux couleur de marron et aux yeux verts, comme les yeux de chats, sont nées sorcières. Vous ne le saviez pas ? Elle aura tout ce qu’elle veut dans la vie.
Beaux, ils l’étaient incontestablement, mais plus que leur merveilleux physique, ce qui me souleva et m’envoûta c’était leur chaleur, leur vitalité et leur attitude amicale.
La timidité ou la réticence étaient inconnues à ces deux êtres. Presque immédiatement ils s’adressèrent à père et à moi comme si nous étions des amis de longue date… ou peut-être, ce qui est plus exact, comme s’ils ne doutaient pas que nous serions, dans les années à venir, leurs meilleurs amis du monde.