Après plusieurs années à lire des critiques sur ce site, je passe enfin à l'action en partageant pour la première fois mon avis; ici, sur
L'Empire du Léopard d'
Emmanuel Chastellière.
Je vais être direct : j'ai beaucoup aimé ce roman. Ni trop long ni trop court, chapitres bien construits, narration fluide, personnages que l'on aime, ou pas (c'est un compliment) et mélange entre fantasy et horreur pour le moins... volcanique !
L'auteur le souligne en postface : dans son roman, « les feux d'artifices, ce n'est pas non-stop ». C'est pour moi le gros point fort du livre: explosif, le roman le sera assurément, dans le dernier tiers, après une construction progressive du récit.
Emmanuel Chastellière prend le temps de planter le décor, de développer ses personnages, de nous raconter la vie de la 22ème, des colons et des colonisés. Les « feux d'artifice » arrivent donc peut être tardivement, mais cela se fait au profit d'un développement fort appréciable.
J'ai aussi apprécié cette approche, pas loin d'être uchronique, de cette période troublée que fut la colonisation espagnole. Je trouve que l'auteur a bien équilibré cet aspect de son roman: le rappel à notre Histoire n'est ni trop évident ni trop en retrait. de fait, on peut se projeter facilement dans le récit en ayant le plaisir de découvrir une situation totalement inédite.
De même, gros coup de coeur pour l'aspect horrifique que j'ai trouvé habilement intégré au récit. La première scène de ce type nous arrive en pleine tronche, complètement à l'improviste ! Puis la tension monte, tout en douceur. On s'interroge: qu'est-ce qui tient du folklore ou de la réalité ?
Puis arrive la dernière partie du roman: l'horreur n'est pas que fantastique, l'action omniprésente; on tourne les pages sans s'en rendre compte. A ce stade, il sera particulièrement difficile pour tout lecteur de lâcher le livre.
Le tout se terminant bien mystérieusement. Vraiment, j'ai beaucoup aimé cette fin !
Ceci ayant été dit, je suis un poil plus incertain concernant deux points. le développement qui suit contient quelques spoils, dont un plus important que les autres. Je préfère donc masquer le tout.
Sur la personnalité des protagonistes en premier lieu. de nombreux chapitres nous permettent de suivre les pensées de Cérès, de Camellia, de Philomé etc Ce que je trouve très appréciable. Pourtant, ces personnages ont souvent les mêmes états d'âme, ce qui fait que j'ai presque eu l'impression de seulement effleurer leur personnalité (c'est moins vrai pour Camellia).
D'un côté, cela m'a un peu gêné, surtout chez Philomé. de l'autre, je dirais que cela a permis à l'auteur de poser des bases solides dans la construction du personnage de Cérès. Cérès qui, je trouve, se révèle bien plus dans les derniers chapitres, voire entièrement dans l'épilogue. Durant une bonne partie du bouquin, j'avais l'impression qu'en ressassant les mêmes idées, Cérès se retenait et par là même ne s'ouvrait pas totalement au lecteur. J'avais des difficultés à m'accrocher sincèrement à ce personnage.
Dans les derniers chapitres et dans l'épilogue, Cérès est plus honnête: elle avoue se moquer de son pays, éprouver du plaisir dans la détresse d'Artemis... Elle devient peut être plus dure, mais je la trouve plus honnête, même si c'est dans la tristesse. Ce changement de sa personnalité n'aurait certainement pas été aussi marquant sans ces chapitres qui apparaissent au premier abord comme répétitif.
Deuxièmement, j'ai trouvé qu'il manquait un tout petit quelque chose à la relation entre Cérès et Camellia; relation que j'ai beaucoup aimé: juste, parfois tendre et surtout qui ne tombe pas dans la mièvrerie. La scène durant laquelle les deux femmes se partagent la couverture lors du tour de garde de Camellia résume parfaitement tout ce que je pense de bien dans cette relation.
Pourtant... je ne sais pas. J'ai l'impression qu'il manque un je-ne-sais-quoi à cette relation. Un approfondissement, certainement ? Qui aurait pu passer par une ou deux scènes fortes de plus entre les amantes ? Comme je le disais, je suis incertain.
Cela ne change en rien le fait que les dernières lignes sont particulièrement puissantes et closent à merveille le roman.
Au final, même si je trouve à redire, j'ai beaucoup aimé ce bouquin. La preuve étant que je trouve des contre-arguments à mes propres reproches.
Après ce très bon moment passé en compagnie de la 22ème, il va sans dire que j'espère fortement retrouver un jour Cérès. C'est que je m'attache facilement aux Salamandres ma foi !