Une passion dominante éteint les autres dans notre âme, comme le soleil fait disparaître les astres dans l'éclat de ses rayons.
Les hommes de génie sont ordinairement enfants de leur siècle ; ils en sont comme l'abrégé ; ils en représentent les lumières, les opinions et l'esprit, mais quelquefois aussi ils naissent ou trop tôt ou trop tard. S'ils naissent trop tôt, avant leur siècle naturel , ils passent ignorés ; leur gloire ne commence qu'après eux, lorsque le siècle auquel ils devaient appartenir est éclos ; s'ils naissent trop tard, après leur siècle naturel, ils ne peuvent rien, et ils n'arrivent point à une renommée durable. On les regarde un moment par curiosité, comme on regarderait les vieillards se promenant sur les places publiques avec les habits de leur temps. Ces hommes de génie qui arrivent trop tard sont donc méconnus comme les hommes de génie qui arrivent trop tôt ; mais ils n'ont pas comme ces derniers un avenir, une postérité, des descendants pour établir leur gloire : ils ne pourraient être admirés que du passé, que de leurs devanciers, que des morts, public silencieux.
La médiocrité est assez souvent secondée par des circonstances qui donnent à ses desseins un air de profondeur. Ces hommes impuissants qui, pour la foule, paraissent diriger la fortune, sont tout simplement conduits par elle, comme ils lui donnent la main, on croit qu'ils la mènent.
L'arbre tombe feuille à feuille : si les hommes contemplaient chaque matin ce qu'ils ont perdu la veille, ils s'apercevraient bien de leur pauvreté.
La conversation des esprits supérieurs est inintelligible aux esprits médiocres, parce qu'il y a une grande partie du sujet sous-entendue et devinée.
Souvent des personnes qui s'aiment se jurent, au commencement de leur bonheur, de quitter ensemble la vie ; mais il arrive qu'elles ne marchent pas avec la même vitesse, et quand l'une est prête à atteindre le but, l'autre ne l'est pas ou ne l'est plus.
Aussitôt qu'une pensée vraie est entrée dans notre esprit, elle jette une lumière qui nous fait voir une foule d'autres objets que nous n'apercevions pas auparavant.
L'âme de l'homme est transparente comme l'eau de fontaine, tant que les chagrins qui sont au fond n'ont point été remués.
Les grandes afflictions semblent raccourcir les heures comme les grandes joies : tout ce qui préoccupe fortement l'âme empêche de compter les instants.
La vie, le bonheur, l'infortune, tiennent à un souffle. Vous mourez : deux heures après on ne pense plus à vous. Vous vivez, on n'y pense pas davantage. Qu'importent vos joies, vos peines, votre existence, non seulement à votre voisin qui ne vous a jamais vu, mais encore à cette tourbe qu'on appelle vos amis ? Pourquoi donc se faire une affaire de la vie ? elle ne mérite pas la moindre attention.