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Critique de Laureneb


Ce n'est pas la lecture la plus facile d'accès et la plus agréable à lire pour moi selon mes préférences : la biographie d'un homme d'église vivant hors du monde, avec des réflexions sur sa spiritualité est assez éloignée de mes lectures habituelles. J'ai beaucoup oublié de ce que je savais sur Port-Royal et le jansénisme, sur le quiétisme... Si je m'intéresse beaucoup au Grand Siècle, ce n'est pas les querelles théologiques que je maîtrise le mieux.
Néanmoins, c'est une oeuvre De Chateaubriand, ce qui signifie un style d'écriture élevé. Et, surtout, ce n'est pas qu'une biographie de Rancé, mais il y a quasiment quatre biographies en une...
J'ai d'abord été intéressée par la vie du jeune Rancé, abbé car possédant par privilège familial une abbaye et non pas parce qu'il est prêtre, car j'y retrouvais le XVII ème siècle qui m'est familier, celui des duels, des écrivains de Louis XIII, du début de la Fronde ; celui des Mousquetaires en un mot - du moins, ce début du XVII ème siècle qui n'est pas encore le Grand Siècle car le soleil ne s'est pas encore levé, que je connais assez intimement grâce à Dumas. Rancé est donc un lettré reconnu, un docteur, mais c'est surtout un abbé mondain. Il court les ruelles des précieuses - qui ne sont pas ridicules, avec une grande passion au coeur. Un abbé, bretteur, séducteur, au XVII ème siècle... Cette première vie de Rancé résonne en moi en évoquant Aramis de Dumas - qui connaissait bien les mémoires du temps. Rancé n'est pas le seul abbé mondain, n'ayant de rapport à la religion que les bénéfices. Cette première partie m'a donc plus séduite que le reste.
La deuxième partie de a vie de Rancé, après sa conversion et sa retraite à la Trappe, se passe pendant le véritable Grand Siècle, c'est-à-dire sous Louis XIV. Et cela permet à Chateaubriand de nous donner son deuxième portrait de façon plus souterraine, celui de Louis XIV. Mais c'est un portrait du roi dans son siècle, appelé depuis Voltaire "Siècle de Louis XIV". Car Louis XIV est inséparable de ceux qui ont fait sa gloire, les militaires en tant que roi de guerre, les peintres, artistes, poètes et dramaturges, qui le font briller en tant que roi Soleil.
D'où le troisième portrait, à un troisième niveau d'écriture, celui du grand homme du XIX ème siècle, Napoléon. Chateaubriand le monarchiste le met toujours en face de Louis XIV, il le compare ; certes, pour lui, c'est le roi qui est supérieur, mais on sent justement à quel point Chateaubriand admire l'Empereur, puisqu'il ne peut s'empêcher de le citer tout le temps, qu'il parle de guerre, d'art, de spiritualité... Pour reprendre Victor Hugo, "toujours dans nos tableaux, tu jettes ta grande ombre", Napoléon domine le siècle et donc la littérature, même celle de ses opposants.
Et c'est là le 4ème portrait, de façon encore plus implicite, celui De Chateaubriand lui-même. En parlant de Rancé, il parle de lui. Et que cet autoportrait en creux est sombre et noir ! Chateaubriand se sent lui aussi à l'automne de sa vie, il regrette sa jeunesse, les jours qui ne sont plus. Il pense à la postérité, ou plutôt à l'absence de postérité, comparant son oeuvre, celle qu'il est en train d'écrire, aux runes scandinaves que plus personne ne sait lire, ou à la poussière qui s'efface au vent.
Plus que le portrait des tourmentes spirituelles de Rancé, ce sont les autres biographies qui m'ont intéressée, ainsi que le portrait d'une époque.
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