Spontanément, elle reconnut ce qu'elle devait à Miami. Elle y avait appris des histoires et des dictons, des habitudes et des saveurs, des manières de parler et de travailler, les trésors d'une tradition perdue à Cuba. La capitale de la Floride pouvait apparaître incompréhensible, y compris pour ceux qui l'habitaient, à cause de ce paradoxe : si Miami offrait l'image rationnelle et forte du monde anglo-saxon, son âme bouillait de la folle passion latine car, dans cet endroit fécond et contradictoire, les cubains conservaient leur culture aussi jalousement que s'il s'agissait des joyaux de la couronne d'Angleterre.
Miami lui était devenue une énigme. Elle en venait à se dire qu'on y conservait une sorte de spiritualité que les plus anciens avaient amoureusement sauvée de l'hécatombe ; ce souffle ténu se cachait dans les recoins secrets de la ville, très souvent fort éloignés des sentiers touristiques, tout simplement. Cet endroit pouvait être une capsule à l'intérieur du temps, un grenier où l'on gardait les vieilleries d'une splendeur passée, dans l'attente de leur retour à leur lieu d'origine.