AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
>

Critique de fanfanouche24


- Librairie de Paris-24 août 1985/// 19 mai 2022 !!

Un éblouissement absolu que ce roman d'Andrée Chedid...que j'ai près de moi,à ma grande honte, depuis si longtemps...

Ce livre publié par Flammarion en 1976, je l'avais de plus, commandé en 1985, dans la première librairie où je faisais mes 1ères armes dans ce métier. Cette librairie toujours existante, et aujourd'hui propriété des éditions Gallimard était La Librairie de Paris (Place de Clichy)....

Cette parenthèse à ses raisons d'être,car en dépit de sa publication, il y a près de 50 ans, l'histoire reste dramatiquement d'actualité, lorsqu'on entend proclamer les interdictions féroces des talibans à l'encontre des toutes jeunes filles et femmes: refus de leur instruction à partir du secondaire , retour à la burka intégrale,à l'extérieur.,etc. Plus d'accès aux études, soumission totale au père, aux frères, oncles, futur mari...et on se retrouve dans l'histoire de Samya qu'Andrée Chedid,nous fait vivre avec une intensité, un suspens et une poésie fulgurante !

Le destin tragique d'une petite fille,Samya, malheureusement née dans un pays, l'Égypte,où les filles ne sont que des objets encombrants, qui
"coûtent ",que l'on vend au plus offrant,dans des mariages arrangés entre des hommes d'âge mûr ou carrément "âgés", pour arranger les hommes de la famille, pour une raison ou une autre...Dans le cas de Samya, son mariage forcé doit renflouer les affaires, et effacer les dettes du Père,commerçant...

Le destin de Samya, seule fille d'une fratrie de 4 garçons, élevée par un père veuf, indifférent et traditionaliste dans ses rapports avec sa fille unique...
Samya a eu la malchance de perdre sa mère, très, très jeune. Pas la moindre affection ni de son "Paternel", ni de ses frères ; seule, la vieille nourrice,Zharifa, lui témoigne de la gentillesse, en dépit de son côté " bourru"...

"-Bientôt, il faudra songer à te marier, disait mon père.
Il s'en inquiétait bien plus que de mes études. Une fille,quel problème ! Encore heureux de n'en avoir qu'une seule ! Il était tranquille de me savoir ici où on m'inculquait des principes,et je serais plus facile à caser.Mais l'instruction ? Il estimait déjà que j'en savais trop.
"Tant que tu pourras rédiger une lettre à ton vieux père pour lui annoncer la naissance d'un garçon, cela suffira", disait-il. (Flammarion, 1976, p.50)"

Même si Samya n'est pas d'accord avec ce mariage, qu'elle tente de se révolter "faiblement", la pression paternelle et sociale est telle qu'elle plie, se mure dans une fausse docilité...
Elle espère au début que ce mari non choisi, ne sera peut-être pas si terrible, elle essaye de s'adapter à sa nouvelle maison, essaye de l'embellir, va rencontrer les femmes du village...mais chaque fois, c'est la Violence du mari, une suite ininterrompue d'interdictions...Samya se retrouve dans une véritable toile d'araignée effroyable,; elle étouffe...Son mari est dans la haine et la colère ,en permanence ( sauf avec sa soeur, Rachida, vieille fille acariâtre ,jalousant Samya), traitant très mal son personnel, et ses "domestiques", allant jusqu'à faire battre une petite fille qui chantait sous ses fenêtres !!

Autre malchance....: les années passent et pas d'enfant à l'horizon!... Évidemment, lorsque Samya excédée des reproches de Boutros à son égard, pour cette stérilité...lui renvoie la question, comme quoi, c'est peut-être lui qui en est la cause. Suprême insulte pour Boutros, qui,en guise de réponse, la frappera...

Naîtra finalement plus tard une petite fille, Mia, qui apportera une parenthèse merveilleuse de légèreté, de bonheur à la maman, Samya, en même temps que l'affection d'Amnmal, petite fille de berger, qui apporte le fromage à Samya.
Cette petite Ammal est un véritable soleil...et elle a un talent et une passion qu'elle doit cacher: elle sculpte des figurines, que son père a,une fois,découvert et détruit !!
Samya l'aide, et la protège comme elle peut, l'encourage, lui coud une jolie robe, lui raconte mille histoires ainsi qu' à sa petite fille, Mia....

D'autres malheurs terribles surviendront...que je ne dévoilerai en rien.( même si la narration est au début déstabilisante, car elle commence par le dénouement !)

Incroyable d'apprendre que ce roman,à l'intensité dramatique savamment dosée, à la poésie certaine, aux images, métaphores simples et intenses...était son premier livre....

Le cri de Samya contre sa vie "imposée et bafouée "....nous prend à la gorge, aux tripes...."D'autres, comme moi,ont dû sentir leur vie s'effriter au long d'une existence sans amour.Si je crie,je crie un peu pour elles...Mais nos filles, nos filles peut-être ne seront plus semblables à ces mousses qui végètent autour de troncs morts.Nos filles seront différentes. Elles surgiront de l'engourdissement..."

Et ce dernier extrait choisi , réveille, réactive des réalités malheureusement revenues empoisonner, paralyser, terrifier l'existence des femmes dans certains pays....

"Je détestais Boutros.Ma haine s'ajoutait à mon dégoût. Je le voyais,lui, et tous les Boutros du monde,compassés dans leur demi- autorité .Ils réglaient les destinées, ils écrasaient les plantes, les chansons,les couleurs, la vie elle-même ; et ils réduisaient tout à la mesure rabougrie de leur coeur.(Flammarion,1976,p.122)"

*** 28 juillet 2022; ayant involontairement " confiné " et oublié ce magnifique roman trop longtemps, je tente de réparer un peu, en l'offrant aujourd'hui à une amie, qui repart dans 48h aux États-unis, où elle vit....Un livre - voyageur qui va rattraper dans une maison-amie une mise à l'écart injuste !...
Commenter  J’apprécie          360



Ont apprécié cette critique (35)voir plus




{* *}