Citations sur Poésies choisies (13)
.................... Terre, terre chérie
Que la liberté sainte appelle sa patrie ;
Père du grand sénat, ô sénat de Romans,
Qui de la liberté jeta les fondements ;
Romans, berceau des lois, vous, Grenoble et Valence,
Vienne, toutes enfin, monts sacrés d'où la France
Vit naître le soleil avec la liberté !
Un jour le voyageur par le Rhône emporté,
Arrêtant l'aviron dans la main de son guide,
En silence et debout sur sa barque rapide,
Fixant vers l'orient un œil religieux,
Contemplera longtemps ces sommets glorieux ;
Car son vieux père, ému de transports magnanimes,
Lui dira : « Vois, mon fils, vois ces augustes cimes. »
Au bord du Rhône, le 7 juillet 1790
1787 - [p. 80]
D’une prison sur moi les murs pèsent en vain,
J’ai les ailes de l'espérance.
L’épi naissant mûrit de la faux respecté;
Sans crainte du pressoir, le pampre tout l’été
Boit les doux présents de l’aurore;
Et moi, comme lui belle, et jeune comme lui,
Quoi que l’heure présente ait de trouble et d’ennui,
Je ne veux point mourir encore.
Qu’un stoïque aux yeux secs vole embrasser la mort,
Moi je pleure et j’espère; au noir souffle du nord
Je plie et relève ma tête.
S’il est des jours amers, il en est de si doux!
Hélas! quel miel jamais n’a laissé de dégoûts?
Quelle mer n’a point de tempête?
Je suis né pour l'amour, j'ai connu ses travaux,
Mais, certes, sans mesure il m'accable de maux
A porter ce revers mon âme est impuissante.
Eh quoi ! beauté divine, incomparable amante,
Je vous perds ! Quoi, par vous nos liens sont rompus,
Vous le voulez ; adieu, vous ne me verrez plus :
Du besoin de tromper ma fuite vous délivre.
Quand au mouton bêlant la sombre boucherie
Ouvre ses cavernes de mort,
Pâtres, chiens et moutons, toute la bergerie
Ne s’informe plus de son sort.
Les enfants qui suivaient ses ébats dans la plaine,
Les vierges aux belles couleurs
Qui le baisaient en foule, et sur sa blanche laine
Entrelaçaient rubans et fleurs,
Sans plus penser à lui, le mangent s’il est tendre.
Dans cet abîme enseveli
J’ai le même destin. Je m’y devais attendre.
Accoutumons-nous à l’oubli.
Oubliés comme moi dans cet affreux repaire,
Mille autres moutons, comme moi,
Pendus aux crocs sanglants du charnier populaire,
Seront servis au peuple-roi.
Que pouvaient mes amis? Oui, de leur main chérie
Un mot à travers ces barreaux
Eût versé quelque baume en mon âme flétrie;
De l’or peut-être à mes bourreaux...
Mais tout est précipice. Ils ont eu droit de vivre.
Vivez, amis; vivez contents.
En dépit de Bavus soyez lents à me suivre.
Peut-être en de plus heureux temps
J’ai moi-même, à l’aspect des pleurs de l’infortune,
Détourné mes regards distraits;
A mon tour, aujourd’hui; mon malheur importune:
Vivez, amis, vivez en paix.
On vit; on vit infâme. Eh bien ? il fallut l'être ;
L'infame, après tout, mange et dort.
Ici, même, en ces parcs où la mort nous fait paître,
Où la hache nous tire au sort
Beaux poulets sont écrits ; maris, amants, sont dupes ;
Caquetage, intrigue de sots.
"Quand chacun à l'envi jouit, aime, soupire,
Faut-il donc de Vénus abjurer seul l'empire !
Ne plus dire : Je t'aime ! et dormir tout le jour,
Sans avoir pour adieux quelques baisers d'amour !
Et lorsque les désirs, les songes, ou l'aurore,
Troubleront mon sommeil, me réveiller encore,
Sans que ma main déserte et seule à s'avancer
Trouve dans tout mon lit une main à presser !"
"Le courroux d'un amant n'est point inexorable.
Ah ! Si tu la voyais, cette belle coupable,
Rougir et s'accuser, et se justifier,
Sans implorer sa grâce et sans s'humilier,
Pourtant de l'obtenir doucement inquiète,
Et, les cheveux épars, immobile, muette,
Les bras, la gorge nus, en un mol abandon,
Tourner sur toi des yeux qui demandent pardon !
Crois qu'abjurant soudain le reproche farouche,
Tes baisers porteraient son pardon sur sa bouche."
Oh! puisse le ciseau qui doit trancher mes joursSur le sein d'une belle en arrêter le cours!Qu'au milieu des langueurs, au milieu des délices,Achevant de Vénus les plus beaux sacrifices,Mon âme, sans efforts, sans douleurs, sans combats,Se dégage et s'envole, et ne le sente pas!Qu'attiré sur ma tombe, ou la pierre luisante Offrira de ma fin l'image séduisante,Le voyageur ému dise avec un soupir:Ainsi puissé-je vivre, et puissé-je mourir!
Elle a pu me bannir! Impudente et sans foi,Aux bras d'un autre amant elle a fui loin de moi!Il la quitte aujourd'hui. Comme elle il est volage.Elle apprend à son tour à gémir d'un outrage,Et sans doute en pleurant se ressouvient, hélas!D'un qui l'aima toujours et ne l'outrageait pas.