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Critique de Charybde2


À bas bruit et à basse fureur, le choc sourd entre les espérances intimes et les chaos socio-politiques, dans la trace d'une fillette n'ayant pas pu voir le crocodile dont elle rêvait.

Sur le blog Charybde 27 : https://charybde2.wordpress.com/2022/07/30/note-de-lecture-jeannette-et-le-crocodile-severine-chevalier/

Publié en mars 2022 à La Manufacture de Livres, « Jeannette et le crocodile » ne doit pas être raconté, mais doit absolument être vécu, en se coulant dans l'écriture lancinante, subtilement obsessionnelle, de Séverine Chevalier. Sachez seulement que la petite fille, pour ses 10 ans, rêvait d'aller voir le crocodile du parc animalier voisin, mais que cela n'arrivera pas, puisque sa mère Blandine, qui voudrait bien mais ne peut point, a une nouvelle fois rechuté dans l'alcool la veille de la visite prévue. Ce sera donc partie remise, encore et encore… jusqu'à ce que Jeannette, quelques années plus tard, conclue à sa propre manière ce rêve toujours décalé, en imprimant sa marque sur un chaos intime qui est bien l'empreinte d'un chaos plus vaste, socio-politique s'il en est dans cette petite ville thermale en perdition industrielle, raconté à bas bruit et à basse fureur en une narration dont le héraut exemplaire, logiquement, est le jeune oncle neuro-atypique, Pascal, désormais placé en foyer, et dont la lutte acharnée et pourtant douce avec l'oubli et avec l'obsession résonne en profondeur avec la trame des événements, anodins en apparence et lourds porteurs de sens, in fine.

De Séverine Chevalier, on avait beaucoup aimé, il y a huit ans, son « Clouer l'Ouest », où, déjà, les lieux de l'enfance forçaient à un retour sans complaisance sur les occasions perdues de vies conduites au bord du gouffre, consciemment ou non, mais s'acharnant pourtant toujours à élaborer du rêve. Après « Les Mauvaises » en 2018, elle nous offre ici une extraordinaire leçon de chocs systémiques se produisant à un niveau largement invisible, de la manière dont les très grands prédateurs et les tout petits, dont les hasards et les nécessités qui n'en sont pas toujours, dont les accidents programmés ou non, orchestrent lentement mais sûrement la rencontre entre le chaos des vies individuelles – et de leurs rêves qui ne se réalisent jamais – et la spirale démente du collectif qui n'en est pas un, en roue libre par avidité à court terme et frustrations polycellulaires bien décidées à s'exprimer, tôt ou tard.
Lien : https://charybde2.wordpress...
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