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Critique de darkmoon


La Jeune fille à la perle où l'insouciance de l'enfance s'est envolée !

Tracy Chevalier a eu la belle idée de tirer une histoire totalement romanesque qu'elle entend rendre crédible en multipliant les détails, non sur les personnages mais sur leur environnement et d'une façon presque documentaire sur l'époque et les lieux.

Ce roman nous introduit au coeur de la vie des Hollandais au XVIIème siècle. Protestant et ne rechignant pas au travail pour les familles modestes, la rencontre avec Vermeer est un véritable choc culturel pour Griet. Car Griet, la jeune fille à la perle, est bel et bien une enfant propulsée dans un univers agressif, ballotée entre son travail harassant de bonne au service des Vermeer, l'intérêt ambigu du peintre envers elle, la jalousie de sa femme ou encore la possible menace représentée par le mécène du peintre. le roman dépeint magistralement la situation d'une jeune fille enfermée dans un monde aux règles cruelles et aux conventions étouffantes... Car s'il décrit le parcours de Griet chez les Vermeer, il donne également un aperçu réaliste de la Société Hollandaise du XVIIe siècle (à travers une famille paralysée par les codes sociaux et l'emprise du riche mécène de Vermeer). On s'émerveille devant l'énorme travail esthétique qui semble avoir été fait et qui plonge presque le lecteur dans un tableau de Vermeer.

« La jeune fille à la perle » est donc un roman à la fois doux et dur. L'éveil d'un esprit courbé par la corvée s'éjecte miraculeusement des lessives éreintantes dans un temps où l'on ne fait que servir du matin au soir en admirant à la dérobée les contenus amorphes d'une maison terne cernée par les grands froids. Griet, beauté naturelle éteinte mais non consumée s'anime soudainement devant ces ocres et ces bleus qu'un peintre en manque d'inspiration dévoile devant ses yeux jeunes avides de découverte. A travers la peinture deux êtres en sommeil communiquent, ressentent, quittent un monde triste où il ne faut que se reproduire ou frotter les sols en laissant derrière soi une mère délaissée rongée par le rictus et une progéniture abandonnée jalouse livrée à elle-même. Les doigts s'effleurent et les visages se décrispent. Deux personnages isolés par la condition et le désoeuvrement offrent à la postérité une oeuvre contemplative traversant des siècles de lumières et de cendres en alternance. le visage de Griet éblouissant de pâleur se teinte d'une rosée admirablement reconnaissante envers un nouveau monde synonyme de conscience. « La jeune fille à la perle » est en priorité la propagation d'une émotion intense dans une demeure dominée par le silence et l'ennui.

Le roman comporte peu de rebondissements mais une intensité unique, palpable. Il peut rendre plus sensible à l'univers du peintre, car il permet d'aborder la peinture selon un nouveau point de vue qui reflète toute la profondeur de ses toiles. Les non-dits et les actes manqués se succèdent et finissent par tisser la toile qui enserre les personnages. Cette toile, c'est bien sûr, le carcan social d'une Hollande où les moeurs sont strictement contrôlées et où il est impossible d'échapper à sa condition.

Il s'agit réellement d'un roman d'une inégalable pureté, qui nous transporte dans un rêve artistique.
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