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Critique de SerialLecteurNyctalope


Le livre le plus dangereux de la rentrée littéraire. Oui j'ai bien dit dangereux. Car il est capable de vous faire virer à l'obsession. de vous transporter dans le monde des tocs littéraires qui font que Guillaume Dalban passera trente ans à tenter de faire rééditer un livre méconnu des éditions de Minuit. La vie est un livre de Fabrice Chillet. La comédie humaine s'agite devant les palabres de lecteurs aux lubies incessantes. « La réalité dépasse la fiction » n'est pas un mythe.

L'été, deux fois, 1989, Christian Costa. Vous n'avez sûrement pas lu son roman et vous ne connaissez pas cet auteur mais vous risquez d'acheter deux livres à la fin de cette chronique. L'un était épuisé il y a quelques mois et a été réédité tant on a senti qu'un mystère littéraire se cachait derrière lui et que j'attends de recevoir avec impatience. le second, de Fabrice Chillet est brillant dans sa construction de mise en abîme incessante. Tout débute par un vol du livre de Christian Costa sur une table de café. (N'imaginez pas que cela vous arrive, vous allez passer une mauvaise journée). Une absence légère aux toilettes, le roman disparaît et l'enquête modianesque que vous trouverez au coin de la table ne vous laissera pas indifférent. Entre fiction et réalité, entre faux semblants et évidences, Fabrice Chillet livre l'écrin le plus précieux qui soit. S'y trouve un roman dans le roman, un personnage dans le personnage, une poupée russe de poupée russe. N'ajouter rien fait partie de ces romans où l'amour des mots revêt une importance singulière, celle de faire parler l'auteur sans en avoir l'air. Il s'agit ici de traverser la difficulté d'écrire, de n'être parfois qu'un écrivain fantôme ou de ne pas penser avoir assez de talent pour passer après Stendhal et Perec.

« Un boiteux ne révèle son infirmité que lorsqu'il marche. Sinon, il ressemble à tout le monde. Mais dès lors qu'on sait qu'il est boiteux, on le voit claudiquer quand il est assis ».

La fascination littéraire opère avec le mystérieux Guillaume Daban, dernier propriétaire du seul roman de Christian Costa. Auteur à un seul roman, n'étant pas gage d'absence de qualité, sosie officiel de Gerard Depardieu dans Les Valseuses et Dennis Wilson, le batteur des Beach Boys, sur une planche de surf, Christian Costa est une sorte de chimère insaisissable qui ne demande qu'à rester cachée. Si son éditeur n'avait plus de nouvelles de lui, le mystère continue de s'épaissir pour notre grand bonheur. Pour l'une des rares fois dans ma vie, je ne souhaitais pas savoir. Je ne souhaitais pas réellement connaître tous les détails. Effleurer le mystère suffisait pour ne pas être déçu. En jouant sur les introspections respectives, Fabrice Chillet saisit par la pureté de son style où chaque mot s'imbrique comme une résolution d'énigme d'un roman de P.G Wodehouse. En trompant son monde avec différents artifices subtils, le narrateur et/ou l'auteur prennent le parti des losers magnifiques, de ceux qui par leur pugnacité arriveront peut-être à se libérer de leurs chimères.

« Je crois qu'il faut du temps pour comprendre l'espèce humaine. Davantage encore pour s'y accoutumer et s'immuniser contre les virus qu'elle est capable de générer.
Il en faut beaucoup moins pour s'en éloigner. »

En neuf chapitres, « N'ajouter rien » incarne toute la beauté romanesque que tout lecteur aime découvrir. Vous serez d'autant plus séduits par la qualité de l'ouvrage, du livre objet toujours aussi soigné du côté des artisans Bouclard. Des rabats aux couleurs du roman de Costa, mettent en valeur celui de Fabrice Chillet. Vous détenez à présent un petit trésor littéraire, qui, s'il vient à être épuisé dans 30 ans, sera tout aussi savoureux (mais je vous le vendrai bien trop cher). Parce que l'auteur maîtrise la formule de style avec parcimonie en touchant sa cible à chaque saillie. Ce roman est élégant, délicat, au style inimitable, ne se vole pas, se savoure, s'offre, se donne et se partage.
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