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Critique de myrtigal


Dans ce livre Mona Chollet décide de décrypter le complexe mode/beauté; fer de lance de l'industrie moderne, qui sous couvert d'émancipation de la femme, a crée une nouvelle forme d'aliénation féminine. Elle en expose les différents pans et révèle sous la craquelure du vernis, un sexisme latent.

Dans un premier temps elle aborde l'injonction à la féminité prôné par l'industrie ainsi que son ambivalence; les femmes sont poussées à n'exister que par leur apparence et ce dictat s'étend à pratiquement toute la sphère culturelle ; médias, publicité, grand écran et petit écran etc, mais que tout à la fois cet espace est le seul espace d'expression et de représentation laissé aux femmes, un entre-soi féminin s'est construit qui a en quelques sorte accouché de sa propre aliénation. Elle pointe du doigt le fait que l'amplification de ce phénomène et son étendue démesurée est le fait d'une société qui a depuis longtemps basculé dans l'ultraconsommation. Elle cite notamment cette phrase de l'écrivaine Nina Power, qui m'a particulièrement frappée, « l'émancipation de la femme coïncide avec le consumérisme ». Et il est sidérant de le réaliser.
Ensuite elle entre plus en détail dans le rôle des actrices et des « égéries » dont elle dénonce à la fois l'hypocrisie et le côté pernicieux de leur évolution progressive vers le rôle de faire-valoir commercial. Et par là démontre que la publicité est devenu un produit culturel créant et fabriquant nos désirs. Tout cela n'aboutissant à rien d'autre qu'un conditionnement social, un enfermement, et constitue in fine une nouvelle forme d'oppression construit et alimenté par l'industrie.
Elle montre également la vacuité croissante et cuisante des magazines féminins enfermant les femmes dans l'aliénation de leur rôles et de leurs comportements.

Puis elle aborde le grand sujet du rapport au corps pour la femme. Elle explique combien il est impossible pour une femme -d'être- sereinement et sainement lorsque l'unique modèle véhiculé en permanence est le modèle de la minceur, et comment pour nos sociétés « moderne » il rime avec beauté, efficacité et surtout désirabilité. Il est si intériorisé, si accepté qu'on ne se rend plus compte et l'autrice expose que lorsqu'il aboutit aux troubles psychologiques que l'on sait, cela considéré comme un problème individuel alors qu'il devrait être considéré comme un problème aux causes collectives. Mais parler du culte du corps c'est aussi, pour Mona Chollet, parler de haine du corps. Car l'un et l'autre sont liés. Outre la minceur symbolisant le minimum de place physique que doivent prendre les femmes dans l'espace publique, la mortifère industrie de la chirurgie esthétique et les normes d'exposition du corps (plus découverte est une femme, plus féminine elle est) finissent de parachever cette négation du corps. Et par là même ils s'inscrivent dans l'esprit pour faire de l'obéissance à la norme dominante le moyen sine qua none pour une femme d'être aimée et désirée. Cette gigantesque hypocrisie confère aux femmes l'illusion d'une liberté, d'une estime de soi faussement choisie, or on constate très vite que c'est tout sauf cela.

Après quoi l'autrice va aborder, et j'ai trouvé ça bien, la question de la diversité dans l'industrie mode/beauté. Sujet épineux, édifiant et nécéssaire. Elle y démontre combien il est dans l'interêt de l'industrie de renforcer les normes préexistentes pour des raisons mercantiles, même si cela doit aller à l'encontre du bien-être ou pire à l'encontre de l'évidente majorité (continuer de promouvoir la blancheur dans tous les contrées qui ne sont pas blanches). Elle évoque à nouveau la chirurgie qui, dans ce cas présent, participe aussi et encore à une normalisation raciale et sexuelle. Bref, des constats et des pratiques terribles, honteuses et d'une tristesse infinie. le tout encore une fois banalisée et intériorisé.
Enfin elle évoque et décrypte de façon plus globale la place du corps de la femme dans la société, où sonne de façon criante l'absence d'autres types de féminité, et de nos attitudes et comportements conditionnés par l'oeil et le désir masculins. Sommes-nous condamnées à être des objets ad vitam aeternam ?, la féminité est-elle une subordination ? Elle pose la question des rapports de séduction, de l'équilibre à trouver entre être une femme et être tout court.

Bref, c'est un essai où Mona Chollet met à mal le complexe mode/beauté, elle l'analyse et décortiques ses travers quasi invisibles tant ils sont normalisés et intériorisés. Comme elle le dit, on peut passer pour rabat-joie en les critiquant car on a l'air de remettre en question l'indépendance féminine mais en réalité c'est le contraire, notre société moderne a crée des nouvelles formes d'aliénation insidieuses car invisibles et c'est malheureusement une grande réussite du monde capitaliste. Si on peut en retenir une chose c'est que le consumérisme effrénée a aussi des conséquences sur la position de la femme dans la société ainsi que le regard qu'elle porte sur elle même.
C'est un livre dans lequel Mona Chollet y met beaucoup du sien, elle écrit avec un ton parfois mordant, acéré, incisif. Mais elle est toujours aussi agréable à lire et passionnante. Et comme à son habitude elle fait appel à de nombreuses sources, s'appuie sur beaucoup d'exemples et ainsi elle développe son argumentaire, ou plus simplement ses constats. C'est édifiant, c'est intéressant, mais c'est surtout souvent révoltant. Mais elle a le mérite de nous faire ouvrir les yeux sur ce bourbier dans lequel nous sommes si englués qu'il est difficile d'avoir du recul, encore moins s'en défaire.
Un livre nécéssaire, à lire absolument, hommes et femmes.
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