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Critique de Merik


Merik
30 septembre 2023

Le pitch, pour faire simple (en attendant que beaucoup de choses se dédoublent) : Luc l'écrivain (le double de Luc Chomarat), invite Delafeuille son éditeur (qui ne se souvient plus de son prénom) pour un week-end de repos dans le Sud-Ouest, à Farsac. Et il en a bien besoin Delafeuille, la rentrée littéraire approche et la directrice commerciale lui met la pression pour mettre la maison Mirage au premier plan. Il a bien un roman (« de la merde » selon lui-même) à proposer et à propulser, mais bon. Toujours est-il que Delafeuille tombe sous le charme de Delphine, la compagne de Luc. Ça tombe bien, Luc est en train de consacrer son nouveau roman à Delphine. Oui mais voilà, Luc, un brin macho sur les bords (voire plus), un homme resté scotché au 20ème siècle, ringard aux entournures, peut-il cadrer son texte avec les standards metoo ? D'autant que Delphine non plus n'est pas vraiment à l'image de la femme héroïque que le monde de l'édition et les lectrices (on ne parle pas beaucoup de lecteurs par ici, stats obligent) attendent aujourd'hui.

On pense à Ferri et Larcenet dans leur mise en abyme du « Retour à la terre », Fabcaro peut-être pour l'humour déjanté. Mais ici en plus du dédoublement des personnages et de celui des livres (celui qu'on lit et le manuscrit que Luc est en train d'écrire), il y aura aussi les lignes de la fiction qui seront franchies voire bousculées sans hésiter. Il ne faudra pas être surpris par un Delafeuille intervenant en direct par texto dans une scène du livre écrit par Luc – pas à son goût –, ou des voisins qui se présenteront comme personnages secondaires. le lecteur sera invité à naviguer dans des situations formelles cocasses en regard de la littérature traditionnelle, voire des temporalités embrouillées entre imagination et réel. Tout cela pourrait paraître compliqué. Mais pas de panique, ça reste lisible, l'écriture sobre de Luc Chomarat bienvenue dans l'imbroglio. Et puis c'est souvent drôle. Et intéressant. D'autant que le roman évoque la littérature, dévoile aussi un monde de l'édition et du livre étrangement proche de ce que l'on peut imaginer de sa version sombre en en étant éloigné, entre diktats économiques (« les commerciaux font la loi dans le livre ») et diktats idéaux pour l'économie : «Bon, vous savez comme moi ce qui marche. le capitalisme c'est pas bien, et ça il faut le dire, il faut avoir le courage de le signifier courageusement. Quoi d'autre ? La planète est en péril, d'après ce que j'ai entendu dire.... Et puis les femmes, oubliez ce que j'ai dit, les femmes qui en ont marre, c'est toujours une bonne idée. Et la maladie, le malheur sous toutes ses formes. Un peu de cul. du cul féministe, évidemment, je ne vais pas vous apprendre le métier ».

Voilà en tout cas un livre qui balance entre roman formel et diatribe d'un milieu, un méta-roman en mise en abyme assez barré, intelligent et fin aussi, iconoclaste, le plus souvent drôle dans son détournement de la littérature, corrosif dans sa description du milieu de l'édition. Il interroge à sa manière transgressive réalité et fiction, avec beaucoup d'humour. N'empêche... En cette période de prix automnaux, ne cherchez plus « le livre de la rentrée » (avec les guillemets)
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