AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
>

Critique de berni_29


Nous sommes à l'été 1940, c'est l'exode devant l'invasion allemande. En pleine débâcle, Louis, au volant d'un camion, fuit devant l'arrivée prochaine des Allemands, son camion roule pour passer au plus vite au sud de la Loire. Sa cargaison est précieuse.
De surprenants clandestins voyagent dans le ventre de ce camion : Ucello, Fra Angelico, Mantegna, Delacroix, le Caravage, Géricault...
En effet, Louis transporte des tableaux du Louvre qu'il faut absolument mettre à l'abri. Il s'agit de l'opération « Hirondelle ». Plusieurs camions sont ainsi partis de Paris, séparément, échelonnés, roulant vers la destination d'un château dans le Lot.
Nuit noire. Sur la route, Louis dépasse une femme qui marche pieds nus sur le bas-côté de la route, tenant ses chaussures à la main. Les consignes sont strictes, il ne doit pas s'arrêter. D'ailleurs, la femme ne fait aucun signe en sa direction. Et pourtant...
Elle s'appelle Sarah...
J'ai cru comprendre que Radeau était le premier roman publié par Antoine Choplin, auteur que j'aime beaucoup par sa douceur, sa pudeur, ses mots tout en retenue, pour dire parfois des choses graves, tristes, douloureuses, mais la joie aussi, éphémère parfois. Ici puisque c'est son premier roman il ouvre déjà le ton de cette manière merveilleuse.
J'aime la voix de cet auteur posée sur les existences de ses personnages qui se croisent, effleurant nos âmes par la même occasion...
La pudeur, les gestes retenus comme au bord d'un abîme, c'est ainsi que démarre la rencontre entre Louis et Sarah, une nuit, sur la route entre Saumur et Poitiers...
J'ai tourné les pages, je suis entré à mon tour dans l'histoire. Ne pas briser le silence entre eux, dans cet habitacle où s'engouffre la nuit, la route défile à la lisière des forêts.
Le visage de Sarah est triste, sa voix aussi, un peu à l'abandon, comme celle d'Antoine Choplin, elle lui ressemble comme une soeur... Ses yeux racontent autre chose, ce sont deux citadelles imprenables...
C'est une parenthèse, un temps suspendu au bord de l'enchantement, à l'intersection de deux routes, de deux vies, quelque part où tout est un peu sombre et peut-être déjà entrelacé.
Elle est secrète, esquive les questions de Louis...
Alors, ils parlent de peinture, d'art, de paysages et de lumière, comme pour retenir encore un peu la guerre là-bas au loin qui bruit, prête à dévaster l'aube qui arrive.
J'ai aimé les sentir être cueillis tous deux au matin par toute cette lumière qui venait sur les pages.
Radeau est un récit en trois temps, entre l'été 1940 et février 1944.
Mais ce roman est loin d'être seulement triste. Il y a des scènes de fraternité et de joie autour de ce fameux tableau de Géricault, le radeau de la Méduse, donnant son titre au récit, scène champêtre où des partisans déplient sur un jardin un peu sauvage au bord d'un vieux château presque à l'abandon la toile sortie de son cadre pour la faire respirer un peu... Magnifique instant bucolique, presque féérique, où chacun y va de son commentaire. Il y a même un résistant que l'on surnomme Michel-Ange...
On sent dans ces moments que le bonheur est fragile, ne tient qu'à un fil, mais on se réjouit de cette solidarité bonhomme qui lie, qui tisse des vies les unes aux autres. Antoine Choplin sait dire tout cela aussi avec justesse et le reste aussi qui viendra plus tard...
J'ai été touché par ce récit.
L'évocation des guerres passées me fait pleurer. Celles à venir tout autant. Comprenne qui pourra...
Commenter  J’apprécie          5316



Ont apprécié cette critique (52)voir plus




{* *}