Les coïncidences sont juste le moyen que Dieu a trouvé pour vérifier si les officiers de police savent faire leur boulot.
Le brigadier Jimmy Dockery est le Horatio Caine du Wiltshire. Ou du moins c’est ce qu’il pense. Il parle plus lentement qu’un mourant asthmatique et porte des lunettes de soleil, même les jours très gris. Le genre de lunettes qui ne sont plus à la mode depuis Top Gun.
Persécuté étant enfant, le rouquin râleur a pris sa revanche en devenant flic. Le seul problème, c’est que, contrairement à l’inspecteur des Experts : Miami, ce n’est pas un foudre de guerre. Pas même un demi-foudre de guerre.
Une brume vespérale s'élève en tournoyant au-dessus des pierres, un tour de passe-passe météorologique créant un archipel au milieu d'un océan de nuages. Pour les automobilistes passant sur les routes avoisinantes, c'est un magnifique spectacle, mais pour les Disciples, c'est bien plus que cela.
C'est le crépuscule. L'heure bleue. Un instant précieux qui se renouvelle deux fois par jour entre l'aube et le lever du soleil, et entre le coucher du soleil et la tombée de la nuit. C'est l'instant où la lumière et l'obscurité s'équilibrent, et où les esprits appartenant aux mondes cachés trouvent une fragile harmonie.
Une vie pour traduire une vie.
Les coïncidences sont juste le moyen que Dieu a trouvé pour vérifier si les officiers de police savent faire leur boulot.
Leur marche est longue - plus de trois kilomètres. Vers le sud de l'ancien campement de Durrington, puis en direction de la grande avenue, avant de rejoindre le site où se trouvent les pierres bleues et les blocs de sarsen de quarante tonnes.
Une fois purifié, on le traîne, hoquetant, sur le rivage. Les Porteurs s'abattent sur lui et l'attachent avec des lanières d'écorce à une civière en pin, cet arbre si noble issu, comme eux, de l'âge de glace. Ils le hissent sur leurs épaules, le portent comme des hommes fiers et dévoués porteraient le cercueil d'un frère aimé. Il est précieux à leurs yeux.
Tandis qu'il résiste encore, ils le portent jusqu'à la rivière et l'immergent. L'eau froide pénètre dans sa bouche, elle gargouille et écume dans ses poumons viciés. Il lutte comme un poisson affolé, à la recherche d'un courant plus clément pour échapper aux mains de ses ravisseurs.
Cela n'arrivera pas.
Les Guetteurs sont revêtus d'une toile de bure tissée à la main et ceinturée d'une tresse de fibres végétales, ils sont chaussés de peaux d'animaux grossièrement taillées. C'est la coutume des anciens, les créateurs de la Confrérie.
À l'horizon, un visage pâle remue sous son capuchon, une torche enflammée est brandie par une main parcheminée, des murmures feutrés mais pressants sont transmis d'un Guetteur à l'autre. Le sacrifice peut avoir lieu. La victime a été amenée après son jeûne. Sept jours sans nourriture. Sans aucune lumière, ni aucun son. Sans le moindre contact physique, ni la moindre odeur. Son corps a été lavé de toute impureté. Tous ses sens sont aiguisés. Son esprit est totalement absorbé par son destin.