Ce n'est pas la première fois que le monde est au bord du gouffre. La poussière cherche depuis toujours à nous engloutir. De tout temps les gens ont souffert et connu des épreuves. Tu n'as pas à rougir de ta pauvreté, elle ne trahit pas une faille de ton caractère. La vie, par sa nature même est précaire. Et lorsqu'on affronte les difficultés, ce n'est jamais en vain.
Si ces deux-là étaient des arbres, elle serait un grand bouleau argenté et lui, un vieux chêne tordu.
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Le meilleur moment pour planter un arbre, c'était il y a vingt ans. A défaut de quoi c'est maintenant
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"Sachez donc ceci : votre père vous a aimée de tout l'amour qu'il avait. Seulement, il n'en avait plus beaucoup"
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C'est étrange, tu ne trouves pas, Liam, qu'il suffise d'acheter la terre où un arbre pareil est enraciné pour avoir le droit de le détruire à jamais ? Et le plus étrange, c'est qu'il n'y a personne pour vous en empêcher.
(...) Liam n'a jamais rien fabriqué d'aussi vivant, d'aussi humain dans ses formes et son timbre. (...) Il est frappé par l'idée soudaine que sa mère avait raison : les arbres ont peut être bien une âme. Ce qui fait du bois une sorte de chair. Et c'est peut être pour ça que les sonorités des instruments fabriqués en bois plaisent tant à nos oreilles : le chatoiement choral de la guitare, les battements de cœur du tambour, les lamentations du violon - nous les aimons profondément parce qu'on dirait nous.
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(…) elle entraîne les Pèlerins quelques kilomètres plus à l’ouest dans une futaie de géants aux troncs plus larges qu’une voiture. Ces arbres sont d’une telle immensité, d’une telle majesté qu’ils semblent presque irréels, comme un décor de cinéma ou un monument historique. En présence de ces titans, les Pèlerins prennent des voix feutrées, révérencieuses. La politique officielle de Holtcorp veut qu’on désigne la forêt par le terme de « Cathédrale » et ses hôtes par celui de « Pèlerins » : d’après Knut, le guide forestier le plus expérimenté de Greenwood Island et le meilleur ami de Jake, c’est parce que les forêts ont été les premières églises (et peut-être aussi, maintenant, les dernières). Du temps où prendre l’avion ne coûtait pas une année de salaire, Jake a visité Rome à l’occasion d’un échange pédagogique et n’a vu dans ses colonnes et ses portiques que ramures souples et troncs noueux. Le dôme feuillu d’une mosquée, les flèches tendues vers le ciel d’une abbaye, la voûte à côtes d’une cathédrale : quelle structure consacrée par la foi ne tire pas son inspiration des arbres ?
Dans l’absolu, Jake est libre de mentionner les orages de poussière endémiques, mais la politique de la Cathédrale est de ne jamais en évoquer la cause : le Grand Dépérissement – la vague d’épidémies fongiques et d’invasions d’insectes qui s’est abattue sur les forêts du monde entier dix ans plus tôt, ravageant hectare après hectare. Les Pèlerins sont venus ici pour se détendre et oublier le Dépérissement, et le travail de Jake consiste à y veiller (or le travail, elle en a bien conscience, est une denrée rare par les temps qui courent).
Le temps ne va pas dans une direction donnée. Il s’accumule, c’est tout – dans le corps, dans le monde -, comme le bois. Couche après couche. Claire, puis sombre. Chacune reposant sur la précédente, impossible sans celle d’avant. Chaque triomphe, chaque désastre inscrit pour toujours dans sa structure.
Mais c’est du passé, maintenant. La police n’est pas venue