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Critique de colimasson


Ecartèlement : telle est la position de l'homme, déchet et résidu témoignant de la Chute, entre la tentation du bien et la tentation du mal, opposés fallacieux témoins de sa condition déchue. « Ma passion de l'histoire », écrit Cioran, « dérive de mon flair pour le caduc et de mon appétit du fichu. » Et de nous raconter cette petite histoire :


« Selon une légende d'inspiration gnostique, une lutte se déroula au ciel entre les anges, dans laquelle les partisans de Michel vainquirent ceux du Dragon. Les anges qui, irrésolus, se contentèrent de regarder furent relégués ici-bas afin d'y opérer le choix auquel ils n'avaient pu se résoudre là-haut, choix d'autant plus malaisé qu'ils n'emportaient aucun souvenir du combat et encore moins de leur attitude équivoque. »


Selon cette petite histoire (à laquelle personne ne croit), nous serions donc sur terre pour vivre des expériences engageant un choix et un positionnement moral. Tel est le présupposé gnostique. Cioran observe les hommes qui s'engagent dans cette bataille à corps perdu, inconscients de la cause qu'ils servent à leur insu, se battant pour des opinions ou des idées qui ne sont que le reflet de leurs âmes en proie à l'agitation. L'incarnation serait une épreuve infligée à l'homme déchu afin qu'il se positionne moralement. « On comprend pourquoi les humains sont si empressés d'épouser une cause, de s'agglutiner, de se rassembler autour d'une vérité. Autour de quelle espèce de vérité ? »


Cioran trouve la liberté suprême en abdiquant de ce jeu des affrontements moraux. Il révèle et dénonce l'écartèlement par l'exercice du doute. « Je ne suis pas un douteur, je suis un idolâtre du doute, un douteur en ébullition, un douteur en transe, un fanatique sans credo, un héros de la fluctuation. » Bienfaiteur et contempteur de l'humanité, il nous offre la liberté dont personne ne veut. « Un livre doit remuer des plaies, en provoquer même. Un livre doit être un danger. »


Plutôt que de se ranger là où d'autres ont été, Cioran indique la voie d'errance, la vie dans la torpeur non en tant qu'homme déchu mais en tant qu'homme abandonné et redevenu libre. On découvre alors que la liberté réelle est d'abord horreur. « On est et on demeure esclave aussi longtemps que l'on n'est pas guéri de la manie d'espérer. »


Les authentiques voies de libération ne provoquent pas le bonheur. Tout du moins pas au début. Peut-être même jamais. Elles sont bien au-delà.
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