Je passe mon temps à conseiller le suicide par écrit et à le déconseiller par la parole. C'est que dans le premier cas il s'agit d'une issue philosophique ; dans le second, d'un être, d'une voix, d'une plainte...
Le rôle des périodes de déclin est de mettre une civilisation à nu, de la démasquer, de la dépouiller de ses prestiges et de l'arrogance liée à ses accomplissements. Elle pourra ainsi discerner ce qu'elle valait et ce qu'elle vaut, ce qu'il y avait d'illusoire dans ses efforts et ses convulsions.
Je tue le temps, en attendant que le temps me tue. On est à l'aise entre assassins.
On n'est comblé que lorsqu'on n'aspire à rien, et qu'on s'imprègne de ce rien jusqu'à en devenir ivre.
On s'endort toujours avec un contentement qui ne se laisse pas décrire, on glisse dans le sommeil et on est heureux de s'y enfouir. Si on se réveille à contrecœur, c'est qu'on ne quitte pas sans déchirement l'inconscience, véritable et unique paradis. Autant dire que l'homme n'est comblé que lorsqu'il cesse d'être homme.
Nous n'avons le choix qu'entre des vérités irrespirables et des supercheries salutaires.
La catastrophe étant la seule solution, […] il est légitime de se demander si l’humanité telle qu’elle est n’aurait pas intérêt à s’effacer maintenant plutôt que de s’exténuer et de s’avachir dans l’attente, en s’exposant à une ère d’agonie, où elle risquerait de perdre toute ambition, même celle de disparaître.
Ma mission est de tuer le temps et la sienne de me tuer à son tour. On est tout à fait à l'aise entre assassins.
Avant l'éveil, on traverse des heures d'euphorie, d'irresponsabilité, d'ivresse. Mais après l'abus de l'illusion vient la satiété. L'éveillé est dépris de tout, il est l'ex-fanatique par excellence, qui ne peut plus supporter le fardeau des chimères, qu'elles soient alléchantes ou grotesques. Il en est si éloigné qu'il ne comprend pas par quel égarement il a pu s'en enticher.
L'homme fait l'histoire ; à son tour l'histoire le défait. Il en est l'auteur et l'objet, l'agent et la victime.