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Critique de HundredDreams


Après un premier tome qui m'avait enchantée malgré de nombreux aspects trop scientifiques et trop complexes, j'étais impatiente de poursuivre cette aventure.
Difficile de faire une critique de ce roman sans divulgacher quant au premier tome, alors je vais essayer de rester très succincte quant à l'intrigue.

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Cixin Liu a appliqué le paradoxe de Fermi au concept de la forêt sombre, ce qui explique le très beau titre de ce livre.

« Premièrement : la survie est la nécessité première de toute civilisation ; deuxièmement : une civilisation ne cesse de croître et de s'étendre, tandis que la quantité totale de matière dans L Univers reste constante. »

D'après cette théorie, toutes les formes de vie désirent rester vivantes. La seule alternative possible est alors de détruire toutes les autres espèces rencontrées avant que celles-ci n'aient la même idée.
L'auteur compare l'univers à une sombre forêt dans laquelle chaque civilisation est un chasseur qui se déplace silencieusement parmi les branches des arbres et élimine toute présence avant de devenir lui-même une proie.

« L'Univers est une forêt sombre dans laquelle chaque civilisation est un chasseur armé d'un fusil. Il glisse entre les arbres comme un spectre, relève légèrement les branches qui lui barrent la route, il s'efforce de ne pas faire de bruit avec ses pas. Il retient même sa respiration. Il doit être prudent, car la forêt est pleine d'autres chasseurs comme lui. S'il remarque une autre créature vivante – un autre chasseur, un ange ou un démon, un bébé sans défense ou un vieillard boiteux, une magnifique jeune fille ou un splendide jeune homme, il n'a qu'un seul choix : ouvrir le feu et l'éliminer. Dans cette forêt, l'enfer c'est les autres. Une éternelle menace. Chaque créature qui dévoile son existence est très vite anéantie. Voici la cartographie de la société cosmique. C'est la réponse au paradoxe de Fermi. »

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Dans ce deuxième volume de la trilogie de Cixin Liu, « La forêt sombre » examine les quatre siècles dont dispose l'humanité avant l'invasion de la Terre par la flotte Trisolarienne. L'intrigue est donc principalement centrée sur la préparation de l'invasion extraterrestre.

Mais les Trisolariens ont un avantage majeur, leur technologie est beaucoup plus avancée que la notre. Grâce à des « intellectrons » qui ont infiltré les communications du monde entier, ils sont capables d'intercepter toutes les conversations, et de connaître toutes les décisions stratégiques envisagées par les humains pour les combattre. Seules, les pensées humaines restent un secret.
Face à la transparence de notre monde, les humains décident alors de lancer le programme « Colmateur » en sélectionnant quatre hommes, dotés d'une intelligence fine et retorse, pour élaborer en secret, chacun de leur côté, un plan audacieux, en vue de la prochaine bataille contre les Trisolariens.
Trois d'entre eux sont des hommes d'État ou des scientifiques reconnus, mais le quatrième est un parfait inconnu. Il se nomme Luo Ji, et contre toute attente, cet astronome et sociologue chinois va être propulsé au centre de l'intrigue, alors qu'il est effacé et indolent.

Ainsi, l'arc dramatique passe essentiellement par les quatre Colmateurs. L'intrigue devient une gigantesque partie de poker où tous les coups sont permis, le bluff, la dissimulation et le mensonge étant essentiels pour emporter la partie. Certaines stratégies élaborées font froids dans le dos.

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« La forêt sombre » est un récit plutôt sombre. Liu Cixin profite de l'invasion future la Terre pour dresser un portrait psychologique, politique et sociologique des hommes, lorsqu'ils sont confrontés à un danger ultime, ici, rien de moins que l'extinction de la race humaine.
L'auteur exploite certaines attitudes humaines avec beaucoup d'ingéniosité, comme le défaitisme, et considère leurs capacités d'agir pour le meilleur comme pour le pire.

« le plus grand obstacle à la survie de l'humanité, c'est l'humanité elle-même. »

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L'écriture est toujours aussi riche. Certains chapitres sont vraiment magnifiques, comme par exemple, le prologue avec le voyage de la fourmi. Etonnant.
Mais « La forêt sombre » est un récit totalement différent de son prédécesseur, par son approche narrative, par sa dimension plus futuriste.

Tout d'abord, il devient plus accessible : les aspects scientifiques sont moins complexes à comprendre et surtout, beaucoup moins présents. Malgré cela, il fourmille d'excellentes idées, aussi ingénieuses que stupéfiantes.

Il est aussi palpitant car il se déploie sur plusieurs siècles. Grâce au sommeil cryogénique, les protagonistes principaux font des bonds dans le temps, nous permettant de les retrouver pour la bataille finale, quatre siècles plus tard.

« La route du temps couleur de plomb s'ouvrait lentement devant eux sans qu'ils puissent distinguer l'autre bout, rendu flou par le brouillard de l'avenir, dans lequel ils ne parvenaient à voir chatoyer que des flammes et la lueur du sang. Jamais la nature éphémère de la vie humaine ne les avait autant fait souffrir. Leurs coeurs s'envolèrent par-delà la voûte du temps pour rejoindre la dixième génération de leurs descendants et s'abîmer avec eux dans le sang et le feu de l'espace glacial, là où se rassembleraient au jour dernier les âmes de tous les soldats. »

Le monde a alors bien changé au moment du réveil des Colmateurs et nous découvrons une humanité qui s'est adaptée aux stratégies de survie face à l'invasion, au paysage géopolitique en mutation, à la dégradation de l'environnement, aux changements climatiques,... L'auteur en profite alors pour dresser le portrait d'un monde futuriste très différent du notre, développant des aspects sociaux, économiques, gouvernementaux, technologiques.

C'est aussi un grand récit épique qui prend de l'envergure tant au niveau du temps que de l'espace, adoptant des allures de voyage dans l'espace. Les scènes d'action sont assez peu présentes, mais les batailles spatiales et la rencontre entre les terriens et les Trisolariens sont particulièrement incroyables et jubilatoires.

Il est enfin d'une grande intelligence et d'une grande finesse quant aux stratégies élaborées par les Colmateurs. Tout est fait pour tromper l'ennemi, elles sont donc obscures autant pour les Trisolariens que pour le lecteur. Ainsi, chacun des plans de défense de la Terre ne se dévoile qu'au tout dernier moment et crée de véritables surprises lorsque les intentions de certains personnages nous sont révélées.

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Mais, j'ai aussi quelques regrets.

Le développement des personnages principaux, exclusivement masculins (c'est dommage) est plus important mais reste encore insuffisamment développé d'après moi. Les protagonistes sont là dans un but bien précis, ne servant qu'à mettre en valeur l'intrigue et les stratégies de défense mises en place.
Cependant, cela ne m'a pas vraiment dérangée car l'intrigue est suffisamment complexe et prenante pour que l'on ne s'y attache pas.

Malgré tout, deux personnages sortent du lot.
Luo Ji, le personnage principal de ce livre, capte l'attention. Au premier abord, il n'apparaît pas particulièrement sympathique, de par son comportement plutôt flegmatique et égocentrique. Mais il m'a intriguée par ses décisions surprenantes, parfois insensées.
Au contraire, le personnage de Shi Qiang, déjà rencontré dans le premier tome, est plaisant. Cet officier de défense planétaire met une touche d'humour et de gaieté par son esprit rusé et débrouillard, son attitude ouverte, honnête et efficace.

Mon plus grand regret est certainement l'absence des Trisolariens dans ce volume. Ce que j'avais particulièrement aimé dans « le problème à trois corps », c'était ma rencontre avec ces extraterrestres. J'avais été captivée par la description de leur civilisation décadente et du jeu des trois corps.
Ici, toute la trame de l'histoire est focalisée sur leur arrivée sur Terre, mais ils sont totalement absents du récit.

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Dans « La forêt sombre », l'auteur chinois de science-fiction plusieurs fois primé, excelle à construire un univers unique et original, une intrigue dense et imprévisible d'où foisonnent des idées vraiment extraordinaires, mais aussi parfois très complexes.

L'histoire peut paraître assez énigmatique au moment de la lecture mais, lorsque l'on referme ce livre et qu'on le regarde à la lumière de toutes les révélations qu'il contient, on ne peut qu'être impressionné par la conclusion.
Après un tel dénouement et malgré le nombre de pages ahurissant, je suis maintenant impatiente de lire le troisième et dernier volume de ce magnifique récit épique.
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