Certaines pratiques sociales ne sont compréhensibles qu’en prenant en compte leur intersection
En refusant de retrancher certaines expériences du domaine politique pour les confiner dans l’individuel ou le privé ; en constituant des alliances permettant la réflexion, l’organisation et le partage collectifs d’expériences exclues et atomisées ; et en reconnaissant que de telles expériences ne vont pas de soi, elles peuvent précisément devenir des ressources disponibles pour une action et un savoir générateurs de changement
Quand j’ai trouvé l’expression « rapports sociaux de sexe », en France, tout de suite ça a eu une résonance pour moi, et j’ai ressenti une sorte de soulagement d’avoir trouvé une issue aux cadres identitaires (par définition, figés) et psychologisants (individualisants même quand les causes sont attribuées au social) ; le concept de « rapports sociaux de sexe » permettant de saisir la dynamique, le sens et l’usage politique de la catégorisation par sexe
J’envisage plutôt la sexualité comme un foyer possible de la fabrique du genre : non seulement un de ses « sites privilégiés » (key site) de manifestation (Jackson 2005 p15) mais une source d’organisation de la complémentarité (et donc d’asymétrie) entre les groupe de sexes
Si la réalité sociale du genre ne peut toute entière être saisie par le prisme de la sexualité, ni la réalité sociale de la sexualité par celui du genre, il est néanmoins important de souligner que les normes de féminité et de masculinité, les déviances sexuelles, les rapports de pouvoir entre sexualités façonnent de nombreuses manifestations du genre – au-delà des seules pratiques sexuelles
La théorie féministe du « positionnement » (standpoint), considère l’expérience des femmes comme une source de savoir susceptible d’être déployée pour transformer la sphère publique dont elles sont exclues
Non seulement parce qu’elle éclaire les sexualités diverses que (même) l’analyse féministe a eu tendance à laisser dans l’ombre du privé, mais surtout parce qu’elle éclaire le concept de genre, révélant des enjeux de définition et d’usage que ses versions françaises tendent à laisser en suspens
penser l’ensemble des exclusions sociales et des hiérarchies organisées par les normes de genre, c’est faire la place à l’hétéronormativité ainsi qu’à l’ensemble des sexualités, et aux deux groupes de sexes
Mais choisir d’utiliser des termes techniques, c’est aussi cibler son lectorat d’une façon très particulière, le rétrécir ou le fermer