Je relâche mon souffle. Pas de doute, c'est le fait d'Oya. La déesse a une drôle de façon de communiquer. C'est pas la première vision qu'elle m'envoie – mais jamais rien d'aussi intense. Rien qui me paraît aussi réel. Les gens, ils parlent de prémonitions, des sortes d'avertissements sur un avenir plus ou moins proche. Souvent, j'en comprends vite le sens. Mais un crâne-lune géant ? Pas la moindre foutue idée de ce que ça signifie.
Fatma el-Sha'arawi, agente spéciale du ministère égyptien de l'Alchimie, des Enchantements et des Entités surnaturelles, examinait le cadavre vautré sur le gigantesque divan à travers des lunettes spectrales.
Un djinn.
Les soupçons du ministère se portaient sur une cellule de nécromanciens anarchistes radicalisés.
« Avancé pa plis », m’avertit une voix à l’accent chantant des Isles libres. La capitaine se dresse sur le lit et je me trouve nez à nez avec le canon d’un fin pistolet plaqué or. J’admire malgré moi le travail de dorure – pur produit des Isles libres. Elle tend le bras vers une poignée fixée au mur et injecte du gaz dans les deux lampes suspendues. La lumière nous éblouit toutes les deux.
« Tonné di dié ! jure-t-elle, surprise. Mwen t’é pris pou un bandi ou un jumbie, mé t’é qu’un tiboy.
La magie des anciens dieu afrikains est enracinée dans la ville, comme disait ma maman. Elle est enfouie dans ses os, dans ses fondations avec les esclaves qui l’ont bâtie, qui ont transformé le sol, l’air et les cours d’eau en terres sacrées. Sauf qu’on a oublié les noms de ces puissances qui nous ont suivi sur ces rivages.
Fatma se demanda s'il existait des cas documentés d'anges surpris à rire. (107)
En Ayiti, nous aplé ça d’aprè d’aut dié du tonnè. Conm Hevioso du Dahomey et Nsasi du Congo, fait la capitaine. Mé, à Trinidad, nous baptisé l’arme d’aprè Shango, l’orisha yoruba du tonnè. On diré qui le nom a collé.
J’ai vu les ossements de tes dieux morts, mon enfant.
Les Djinns sont des êtres superstitieux, aisément manipulables, l’interrompit-il. Leurs sombres divinités n’ont pas le pouvoir de donner la vie.
[dans les remerciements du premier texte]
Merci également aux agents du département de police de La Nouvelle-Orléans, qui m'ont plaqué au sol dans un hôtel chic du Quartier français en me braquant un pistolet chargé sur la nuque, en raison d'une "erreur d'identité" - en un sens, vous aussi, vous m'avez fait découvrir la ville. (89)