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Critique de Arakasi


Dans le domaine du l'uchronie fantastique – domaine dont je suis très friande comme peuvent en témoigner mes critiques précédentes – « Jonathan Strange et Mr Norrel » est indubitablement un roman qui fera date ! Brillant, subtil, joliment écrit, inventif, bourré d'humour british et d'idées ingénieuses, il a tout pour séduire autant les amateurs de fantastique que ceux d'Histoire Moderne. Si sa lecture n'a pas été un coup de coeur intégral, je n'en sors pas moins séduite et tout à fait disposée à vous faire partager mon contentement. Voyez plutôt :

Nous sommes en 1806 et la situation n'est guère brillante en Angleterre : la guerre va mal, l'effroyable empereur français Napoléon dévore tout ce qui bouge, les ministres sont débordés, la flotte en déroute, la population ulcérée… Horrible et scandaleuse situation ! Il fut pourtant un temps où de telles choses n'auraient jamais été permises : un temps où l'Angleterre et les Royaumes des Fées étaient voisins et alliés sous le règne bienveillant du Roi Corbeau (un avatar du Roi Arthur à mon avis), où la magie imprégnait chaque roche et chaque feuille de la Grande Bretagne et où de puissants sorciers arpentaient ses routes et ses chemins de campagne. Las, ces temps-là sont révolus depuis belle lurette et, en ce peu glorieux début du XIXe siècle, on ne trouve pas plus de magie en Angleterre qu'en France, en Italie ou dans d'autres pays arriérés du même type.

Mais, comme chacun le sait, c'est quand on n'attend plus le sauveur qu'il finit par apparaître. Au fin fond du Yorkshire, un obscur gentleman, Mr Norrel, fait soudain parler de lui. Il ne paye pas de mine, ce bon Mr Norrel… C'est un petit homme peu bavard, renfermé sur lui-même, effacé, bougon, ennuyeux à mourir ; mais ce petit homme a une particularité de taille : il pratique de la VRAIE magie ! Une magie comme on n'en a pas vu dans le pays depuis trois siècles au moins, de celle capable d'inverser le cours des rivières, de transporter des villes entières d'un bout à l'autre du monde et – au grand contentement de ces bons lords du gouvernement –de mettre en déroute les armées des ignobles français (z'avez remarqué ? J'adoooore accoler les termes « effroyables », « arriérés » et « ignobles » à « français »).

Et comme un miracle n'arrive jamais seul, voici qu'un autre magicien surgit brusquement du néant : un certain Jonathan Strange, plus jeune, plus sanguin, plus fougueux, mais tout aussi décidé que son vieillissant collègue à restaurer la puissance de la magie anglaise. A eux deux, que ne sauraient-ils entreprendre ? Mais encore faudrait-il qu'ils sachent s'allier, car nos deux magiciens sont très orgueilleux et de tempéraments fort contraires et s'ils en venaient à s'affronter, leur lutte pourrait sonner la perte de la nation britannique tout entière…

Subtil mélange de récit historique, de roman fantastique, de conte philosophique et d'hommage à la littérature romantique anglaise, « Jonathan Strange et Mr Norrel » n'est pas de ces romans qui se dévorent à toute vitesse, mais de ceux qui se savourent page après page. Ici, pas de tonitruants duels pyrotechniques, pas de dragons ou autres monstres rugissants, mais une lente immersion dans un univers enchanteur et foisonnant, une délicieuse relecture de la mythologie celtique si populaire en Grande Bretagne. Certes, le rythme du récit peut parfois sembler un peu lent (en grande partie du fait des nombreux contes, anecdotes et extraits de biographies fictives que l'auteur intercale dans le fil de son intrigue), mais ce défaut reste très mineur à mes yeux, tant le monde créé par Susanna Clarke séduit par son authenticité et son ingéniosité. L'ensemble donne un récit étrange, un peu déroutant, mais aussi extrêmement riche et prenant et que l'on ne quitte qu'à regret. Une très charmante découverte !
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