AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
>

Critique de Zephirine


En se plongeant dans ce conte cruel qui sonde la noirceur des hommes, Philippe Claudel nous entraîne sur des chemins d'abîme avec un réel talent de conteur. J'aime la prose et l'imagination de l'auteur et j'avoue avoir pris beaucoup de plaisir à dévorer cette histoire sombre.
Tout commence par un meurtre, celui du vieux curé d'une ville reculée dans une Province perdue aux confins de l'Empire. du nom de cette cité et de son pays, on n'en saura pas plus, tout au plus qu'ils se situent dans les Balkans.
Qui a bien pu tuer le curé Pernieg dans une ville où chrétiens et musulmans vivent en harmonie ? C'est le Policier Nourio, et son adjoint, un bon géant plutôt naïf, qui sont chargés de l'enquête.
Très vite, on s'enfonce dans les turpitudes des hommes. Et si ce crime réveillait de mauvais démons, comme le craint l'imam ?
Les personnages sont pour la majorité, des hommes : notables, religieux, petits nobles, représentants zélés de l'Administration Impériale. On s'épie, on s'observe, on feint de bonnes relations mais dans les têtes bouillonnent vanité, vices et désir de puissance.
Les femmes quant à elles, sont peu représentées. On croise l'épouse du Policier, d'elle on ne connait pas le nom mis on sait que, chargée d'une nombreuse marmaille, elle doit subir en femme soumise les coïts frénétiques de son époux. Et puis il y a Lémia, la jeune fille qui a découvert le cadavre et reste le seul témoin du crime. La féminité naissante de cette fillette à l'âme pure et au sourire de madone éveille les bas instincts du Policier.
Et puis, il y a l'hiver, rude, long, trop long, qui façonne le caractère des habitants et les pousse à s'enfermer chez eux. La « rudjia », mélange de brouillard, neige et grésil, est suffocant.
« Ce météore singulier a aussi pour effet de rouler sans fin les pensées des hommes dans la plus poisseuse des morosités, et les enferme à double tour dans la prison angustiée de leur crâne, sans possibilité jamais de les voir s'en échapper. »
Dans cette atmosphère glaciale et angoissante, on suit les soubresauts de l'enquête qui va errer et s'infléchir pour s'accorder avec la vérité prônée par l'Empire tout puissant.
L'humour n'est pas absent de cette sombre épopée, et on y trouve une partie de chasse digne de Tartarin de Tarascon, rôle endossé par le Policier embringué bien malgré lui dans une chasse contre celui qu'on ne nomme pas : le « puissant aux mains griffues », le « grogneur », le « lécheur de miel »
« Crépuscule » est une fable effroyable qui raconte les arrangements de l'Histoire avec la vérité, la déchéance d'une humanité cupide et veule et l'exaltation des âmes pures. La puissance évocatrice de l'écriture de Philippe Claudel sert à merveille ce grand roman que j'ai adoré.



Commenter  J’apprécie          894



Ont apprécié cette critique (72)voir plus




{* *}